De nombreux Congolais ayant fui la guerre se préparent à voter le 28 novembre. Ils espèrent encore que le prochain chef de l’Etat établira une paix durable et améliorera leur quotidien.
Des déplacés de guerre en RDC. © Finbarr O'Reilly / Reuters
«J’attends du nouveau gouvernement la paix, plus de transports, de meilleures routes, l’accès aux soins de santé et à l’eau.» Les rides rares malgré ses 64 ans, la silhouette légèrement dessinée dans une robe-pagne mal taillée, Charlotte espère beaucoup de la présidentielle, prévue le 28 novembre 2011, en République démocratique du Congo. Et pour cause: cette habitante de Dongo, dans la province de l’Equateur (nord-ouest), a tout perdu quand des membres de la communauté enyele ont attaqué le 29 octobre 2009 celle des munzaya, avec qui ils se disputaient des étangs poissonneux.
«On a tué mon mari le jour même de l’attaque, et brûlé ma maison, raconte-elle, la dureté de son regard contrastant avec les arrondis de son visage. J’ai juste eu le temps de fuir dans la province avec mon pagne et mes huit enfants.»Enyele et Munzaya ont signé en mars un pacte de non agression à l’initiative du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU. Mais Charlotte, traumatisée, revoyait sans cesse les images des violences qui se sont par la suite propagées dans une partie de l’Equateur, faisant plus de 270 morts, dont une centaine à Dongo, et 200.000 réfugiés et déplacés.
Elle est finalement rentrée le 2 septembre 2011. Un retour contraint:
«Je n’ai jamais pu me faire à la vie là-bas. C’était toujours la famine, les enfants ne pouvaient pas étudier…»Félix, 44 ans, avait lui trouvé exil au Congo en traversant la rivière Oubangui, frontière naturelle entre les deux Congo.
«On était privés de certains droits par les autochtones. On ne pouvait pas couper du bois de chauffe ou pêcher», commente ce père dont la fille de 14 ans a été violée lors de l’insurrection enyele.
«Je ne veux pas qu’on me remette des dollars, je veux la paix!»
Félix, vêtu d'un tee-shirt à l’effigie de Denis Sassou Nguesso, président du Congo, est donc reparti à Dongo. Et le jour de la présidentielle, à un seul tour, il votera pour l’un des onze candidats en lice, parmi lesquels le chef de l’Etat sortant Joseph Kabila. «Je vais voter, mais l’expérience a prouvé qu’après le vote on ne voit rien changer», tempête théâtralement Elizée, 38 ans, revenue chez elle en octobre 2010. Charlotte, Félix et bien d’autres, eux, nourrissent de fortes attentes.«Je ne veux pas qu’on me remette de la chikwangue (Nldr, aliment à base de manioc) ou des dollars, je veux la paix!», lâche Gaston, 32 ans, faisant allusion aux politiciens qui achètent des votes.De nombreux ex-réfugiés se sont démenés pour décrocher leur carte d’électeur. Des Congolais encore en exil ont aussi pris leurs dispositions et reviendront voter le jour J.
«Certains ont traversé la rivière Oubangui pour récupérer leur carte mais c’était difficile: les amis en face ne voulaient pas les laisser pour qu’ils se fassent enrôler. Mais ils se débrouillaient pour rentrer en RDC, même clandestinement», confie Moussa Eboussi, chef coutumier du groupement de Munzambo, composé de douze localités, dont celle de Dongo.Drapé d'un boubou blanc brodé assorti au pantalon, une dent d’hippopotame comme sceptre à la main, ce responsable local ne manque pas de doléances. Il souhaite notamment que le gouvernement débloque des «moyens conséquents» pour les soldats des Forces armées de la RDC déployés fin 2009 et pour les policiers qui doivent à terme les remplacer. Il souligne surtout l’importance de construire un «camp» pour que les militaires quittent la maison des réfugiés et cessent définitivement de «tracasser» les locaux.
Attentes fortes et nombreuses
Autre enjeu: la terre. Depuis septembre, le HCR a financé 300 kits de maison et construit 200 habitations pour les quelque 1.000 «rapatriés spontanés», les ex-déplacés et les «personnes vulnérables». Soulagés, plusieurs bénéficiaires regrettent toutefois d’avoir perdu leur champ lors de l’attaque. «Quand il y a spoliation des terres, on fait tout pour que la terre soit rendue. Cela s’est déjà fait dans dix cas», explique José Mudiata, chef d’antenne de la Commission nationale des réfugiés à Dongo. Une goutte d’eau.Reste que le travail agricole reprend et le marché de Dongo, quasiment réduit en cendres fin 2009, foisonne. Des commerçants de RDC ou du Congo-Brazzaville vendent du poisson frais, séché ou fumé, de la viande, du riz, de la chikwangue, des légumes, des fruits, de l’huile de palme, des bonbons, des gâteaux, des vêtements... Seulement, beaucoup de ces produits sont difficilement accessibles aux anciens réfugiés et déplacés.
Certains dénoncent des prix indexés sur ceux de l’autre Congo et l’enclavement de Dongo, qui ne dispose que de routes non-bitumées et chaotiques, augmentant les frais de transport, et donc les tarifs. Quand les 130.000 réfugiés au Congo rentreront, «comment on va évacuer leurs marchandises sans routes, sans transports? Dongo a une production en hausse et on est obligé de faire appel aux armateurs pour écouler les produits vers la Centrafrique et le Congo, mais il arrive que les bateaux coulent…», déplore Moussa Eboussi.
Dongo souffre aussi d’une sous-scolarisation des enfants, d’une faible desserte en électricité, d’un accès difficile à l’eau et aux soins de santé, même si un centre médico-chirurgical réhabilité évite aux patients, moyennant 30 dollars, de se faire opérer à Bokonzi, à quelque 50 kilomètres.
«Je demande à Dieu que la nouvelle autorité élue songe à la vie qu’on mène», conclut simplement Hilaire, 36 ans, qui «quémande» de l’aide à son frère pour survivre.Habibou Bangré, à Dongo
© SlateAfrique
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