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lundi 12 mars 2012

Ces Congolais de l’étranger en croisade contre Kabila

Manifestation de Congolais à Paris le 3 décembre 2011. AFP/FRANCOIS GUILLOT
Loin d’accepter l’échec de leur favori Etienne Tshisekedi à la présidentielle, des Congolais de la diaspora en Europe veulent mener un combat sans merci contre la réélection du président Joseph Kabila.
«Combattant jusqu’à la mort, combattant jusqu’à la mort, résistant jusqu’à la mort, Kabila doit partir». Ces paroles sont souvent entendues dans les milieux des Congolais de la diaspora de République Démocratique du Congo (RDC). La plupart d’entre eux se désignent depuis comme étant des Combattants.
«Kabila dégage!» Ce qui n’était au départ qu’un slogan est devenu un état d’esprit et un crédo pour certains Congolais de la diaspora. En France, Belgique, Allemagne, Suisse, aux Etats-Unis, etc., lors des manifestations contre le pouvoir de Kinshasa, l’on entend: Kabila doit partir! Pour José, un Congolais rencontré à Paris «trop, c’est trop. Maintenant, il doit partir, qu’il le veuille ou pas», tranche-t-il.
Ceux qui se désignent comme étant les Combattants s’étaient encore une fois donné rendez-vous à Paris, le 21 janvier, pour protester contre ce qu’ils qualifient de «hold up électoral» et contre le pouvoir en place à Kinshasa, capitale de la RDC. Dans la foule, une centaine d’enfants des parents congolais qui portent des T-shirts immaculés, symbole du sang des Congolais qui continue à couler en RDC, explique Méthode Mulenda, l’un des organisateurs de l’évènement.
«En manifestant avec nos enfants, c’est un passage de flambeau pour qu’ils continuent le combat que nous avons commencé pour la libération totale de la RD Congo et à la reconnaissance de la victoire du président Etienne Tshisekedi, président élu par le peuple», déclare-t-il.
«L’autre objectif de la marche, la reconnaissance du génocide des Congolais comme c’est le cas avec la Shoa, le génocide rwandais et bientôt avec le génocide arménien. Le génocide congolais a fait plus 8 millions de morts. Ce qui correspond à la population de la Suisse ou à celle du Gabon», poursuit ce porte-parole.
Victoire contestée de Joseph Kabila
En décembre de l’année dernière, les résultats provisoires publiés par la Commission électorale nationale indépendante à Kinshasa assure la réélection de Joseph Kabila avec 48,95% et l’opposant Etienne Tshisekedi en deuxième position récolte 32,33%. Des résultats contestés par l’opposition et qui renforcent la détermination des quelques radicaux dans leurs rangs.
Du côté de l’Union pour la démocratie et le progrès social, l’on ne jure que sur la victoire d’Etienne Tshisekedi, le Sphinx de Limeté, qui renaît toujours de ses cendres. La victoire de Joseph Kabila à la présidentielle du 28 novembre dernier lui accorde un autre mandat. Certains Congolais n’envisagent même pas cette perspective.
«Encore 5 ans? Mais, les gens vont mourir dans ce pays. Déjà à l’est on compte plus de 6 millions de morts. Vous voulez qu’on arrive à 10 millions? Non! On ne le veut plus», clame, catégorique, un autre Congolais.
«Après dix ans à la tête du pays, il (Joseph Kabila Ndlr) ne peut pas encore y rester. Cette fois, il a encore perdu. Qu’il dégage», lance Cédric. «Kabila dégage!», un mot d’ordre qui fait penser aux slogans entendus pendant les révolutions arabes.
Rares soutiens de Joseph Kabila
Actuellement, les Congolais qui s’opposent contre le pouvoir de Kinshasa sont les plus en vue. Il est de bon ton aujourd’hui dans la diaspora d’afficher son hostilité face au pouvoir en place. Sur les réseaux sociaux, dans les conversations quotidiennes, rares sont ceux qui affichent leur soutien à Joseph Kabila. Parmi eux, Henri M. qui poste des vidéos et informations en faveur du président réélu. Et là, c’est une avalanche des critiques qui s’abat sur lui. «Tu es indigne, intellectuel sans état d’âme, collabo», entend-t-on. Ceux qui essaient d’être modérés ou de nuancer la situation, ont aussi droit aux mêmes critiques. C’est vite l’étiquette de «vendue» qui est collée à la peau. Certains ont droit aux noms de petites bêtes.
Face à cette radicalisation des positions, les soutiens de Joseph Kabila font profil bas et se font discrets.
«A Kinshasa par exemple, après l’annonce de sa victoire, des scènes de liesses populaires n’ont pas été visibles», affirme Sébastien Kalombo.

Une série de manifestations contre Joseph Kabila

A Bruxelles, ce sont les manifestations des Congolais opposés au régime qui se succèdent.
«Comme la Belgique soutient le dictateur Joseph Kabila au Congo, nous n’allons pas arrêter de faire du bruit dans leur pays», affirme un combattant.
Dans un reportage sur la télévision belge, les commerçants du quartier Matonge (un quartier prisé par les Congolais) se sont plaints de voir «qu’ils enregistraient des manques à gagner. Lorsqu’ils viennent [les combattants congolais Ndlr], on ferme, magasins et boutiques, parce qu’on a peur des casses», confie un commerçant.
En décembre dernier, à Paris, des manifestants s’étaient donné rendez-vous sur les Champs-Elysées pour protester contre les résultats publiés par la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), institution qui a organisé les élections en RDC. Dans les groupes qui se dirigent vers le point de rencontre, les conversations reflètent les désamours contre Joseph Kabila.
«Si en 2006, nous avions accepté la défaite de Jean-Pierre Bemba, tout en sachant que «Papitcho» (surnom donné à Joseph Kabila) avait triché, cette fois, nous n’allons pas nous le laisser voler notre victoire, la victoire du peuple cette fois-ci», explique une dame.

Déterminée pour sa terre

Miriam Rachidi, interpellée avec d’autres Congolais par la police sur les Champs-Elysées est remontée.
«Comment peut-on vouloir nous faire croire que Joseph Kabila a gagné les élections? Dans quel pays? Le Congo où il tue? Vraiment! Non seulement qu’il pille nos richesses, en plus, il nous tue. Ici la police nous empêche de manifester pour soutenir nos frères au pays. C’est notre droit de manifester pour notre pays», tranche-t-elle.
En parlant du pillage, elle fait allusion au rapport Mapping des Nations Unies, d’août 2010, «concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire». Cette demoiselle, trentenaire, évoque aussi les dernières déclarations du parlementaire Eric Joyce qui parle de 5,5 milliards de dollars qu’aurait perdu l’Etat congolais parce que certaines autorités du pays, entre autre Joseph Kabila, ont bradé des biens miniers.
Un peu à l’écart, Charlène qui est venue à ce rassemblement, fait plus de la figuration. Elle n’est pas convaincue de l’efficacité de cette action, mais n’ose pas le dire.
«Que veut encore faire l’opposition? Elle a perdu et qu’elle l’admette. Si non, ils risquent de provoquer des désordres qui ne vont rien changer, au risque de détruire encore le peu qui nous reste, glisse-t-elle, alors que ses amies se sont déplacées. Mais, je ne peux pas le dire tout haut. Si non, on dira que je n’ai pas le sang congolais.»
Pendant que la police disperse les manifestants avec une vague d’interpellation sur les Champs-Elysées, Marie, ne s’est pas rendue sur le lieu du rassemblement. Elle est dans un fast-food avec ses deux filles.
«Nous avons perdu, à cause de tout ceux qui n’ont pas voulu s’allier à Etienne Tshisekedi. Maintenant, qu’est-ce qu’on cherche encore avec des manifestations, demande-t-elle. On ne veut plus que le sang des congolais puisse couler. Attendons seulement. Notre heure viendra. Tirons aussi les leçons de cet échec, pour éviter de reproduire la même bêtise dans 5 ans.»
Mobilisation de l’opposition
Pouvez-vous dire ce que vous pensez devant certaines personnes? «Non, répond la dame. Il ne fait pas bon de dire des choses pareilles même si je le pense vraiment. Je risque d’être traité de collabo ou on dira que j’ai bouffé l’argent de Kabila.»
A Lille, des SMS d’appel à la mobilisation invitent au «rassemblement de soutien au peuple congolais et dire non au massacre programmé de nos familles!» Dans le groupe, des chiffres circulent déjà sur les assassinats qui seraient commis à Kinshasa, sans aucune confirmation des sources officielles.
Dans un autre registre, Claude M. a une analyse qui le pousse à croire que «même si l’on reprenait les élections aujourd’hui, avec les mêmes candidats, la cartographie électorale ne changera pas vraiment.» Il estime la marge de manœuvre autour de 5%. D’après son analyse, «l’élection qui vient de se dérouler prouve que les votes des gens ne se fait pas sur base d’un programme ou d’un projet de société, mais des bases tribales et ethniques», analyse-t-il. Entre temps, c’est plus les opposants qui ont la voix haute, depuis les dernières déclarations du Centre Carter, de la Mission d’observation électorale de l’Union européenne et celle du Cardinal Laurent Monsengwo, Archevêque de Kinshasa, qui tous ont émis des doutes sur la crédibilité des résultats. Même le président réélu, Joseph Kabila, a reconnu des erreurs et fraudes, qui selon lui n’affectent pas la crédibilité des résultats.
L’opposition en sera-t-elle convaincue? Difficile de le croire, vu qu’elle projette déjà une série des marches pacifiques. Qui dit-on, «pour protéger la victoire du peuple».

Jacques Matand
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