(L'Avenir Quotidien 05/02/2013)
Le deuxième document des rebelles sur les questions
sécuritaires, déposé au secrétariat du dialogue de Kampala, daté du 27 janvier
2013, montre que le M23 a un plan B qui veut même son intégration dans les
états-majors région de l’armée congolaise avec leurs grades actuels ainsi que la
requalification de l’ANR et de la DGM (les deux services principaux de
renseignements du pays) sous leur contrôle
Cette ultime cartouche du M23
donnerait lieu à un échec cuisant, tel que voulu par des supers-Congolais qui
racontent que le dialogue de Kampala n’est pas une bonne nouvelle tant pour Goma
que pour le Nord-Kivu. Pourtant, sa répercussion imprévisible n’épargnera pas
des vies des Congolais.
Qu’adviendrait-il à la Rdc si le dialogue de
Kampala échouait ? La question est différemment abordée, selon la sphère
politique où l’on se trouve. Malheureusement ! Alors que si l’on se meut dans le
contexte de Congolais pur et dur, engagé dans des concertations constructifs et
républicaines, l’on ne peut que souhaiter plein succès au dialogue qui se tient
depuis décembre 2012 dans la capitale ougandaise.
Dans la peau du vrai
Congolais
Si on est habitant de la ville de Goma, si on est ressortissant
du Nord-Kivu, si on a des affaires dans la ville de Goma, si on a suivi avec
attention l’évolution de la guerre depuis Avril 2012, l’avènement du M23,les
différentes défections et trahisons au sein des FARDC, si on a vécu les
déplacements massifs de déplacés de guerre, si on a vu la ville de Goma tomber,
si on a connu la fuite et les évacuations de Goma, si on a vu ou vécu le M23
vivre en conquistador dans la ville de pierres, si on sait qui est avec le M23
(Congolais ou pas), si on a bien suivi les discours des grands de ce monde et
les événements autour du pays depuis le 20 Novembre 2012,…on ne peut s’empêcher
de voir le dialogue de Kampala avec un œil optimiste, sans prédire (volontiers)
un résultat négatif de ces assises.
L’échec voulu par des super-Congolais
du dialogue de Kampala ne sera pas une bonne nouvelle tant pour Goma que pour le
Nord-Kivu. Et sa répercussion imprévisible n’épargnera pas des vies des
Congolais, même ceux qui se veulent sécurisés de nuit ou de jour. Un habitant de
Goma qui se réveille avec les rebelles qui occupent toujours le nord de la
ville, à moins de trois kilomètres de l’aéroport, quelle nouvelle attend-il de
Kampala ? Sinon que ce rendez-vous n’accouche guère d’une souris.
L’heure
de la restitution
A son actif, le dialogue de Kampala, sous la
facilitation ougandaise, a brillamment permis au monde de savoir que le M23 ne
s’est jamais éloigné de 20km de Goma, comme le souhaitait une rencontre des
chefs d’Etat de la Cirgl. Un habitant de Goma qui a vu sa voiture passer aux
mains des rebelles, prenant une destination autre que la Rdc, est certes rassuré
par la dernière révélation du document présenté par la délégation du M23 au
dialogue que les rebelles s’engagent à restituer les biens subtilisés dans les
territoires sous leur contrôle. C’est à la fois un aveu et un soulagement
indéniables en faveur des fils et filles de la partie orientale et de la
République tout entière, eux qui n’avaient hier que leurs yeux pour constater et
pleurer penauds leurs biens échappant aux mains étrangères sans aucune autre
forme de procès.
Loin de la haine, tout en invoquant la justice, celui
dont le cher bien manque à son comptage aura un autre discours qu’un
politicien-du-net derrière sa machine. D’autre part, l’échec en refrain des
choristes égocentriques qui écument l’espace médiatique de la RDC, du dialogue
de Kampala ne pourra pas ramener les Fardc de la 8ème région militaire dans les
enclos de l’Etat-major de Goma. Des militaires congolais qui attendent depuis
plusieurs semaines dans la région de Minova (plus de 30km) au Sud-ouest de Goma
ne souhaiteraient pas, à en croire des sources bien informées, que Kampala soit
un fiasco. Cependant, ce dialogue capitalisé sera aussi un autre tremplin pour
balayer la cour et la vider des Fardc aux allures des brebis
galeuses.
L’armée, l’ANR et la DGM revendiquées
Le deuxième
document des rebelles sur les questions sécuritaires, déposé au secrétariat de
ce dialogue, datant du 27 janvier 2013, montre que le M23 a un plan et veut même
son intégration dans les états-majors région de l’armée congolaise avec leur
grades actuels et la requalification de l’ANR et de la DGM sous leur
contrôle.
Il s’agit là de deux services principaux de renseignements du
pays, que nulle part au monde on peut confier aux personnes à identités
douteuses. Les déplacés de guerre de Mugunga, loin de luxes lointains et autres
extravagances sous des lampadaires des humanitaires n’ont qu’un souci : celui de
retourner dans leurs villages respectifs, toutes affaires cessantes. Si le
dialogue de Kampala peut leur donner quelques jours depuis le 9 décembre 2012
sans fuir leur camp comme c’était le cas entre avril et novembre derniers ;
c’est une petite minute qui dure des heures et c’est une période en seconde,
selon que l’on attend un sort.
Fuir la guerre depuis Rutshuru jusqu’à
Kibumba ou Kanyarutchinya, s’y faire déloger et courir en haillons jusqu’à
Mugunga sous des bombes avec des baluchons sur la tête, c’est une photo pour la
presse, c’est un commentaire pour des analystes, c’est un débat pour les
parleurs mais c’est un drame pour le concerné. Ayant vécu cela, on ne peut
qu’attendre de Kampala un communiqué d’espoir ou de franchise. Ici, l’optimisme
devient plus salutaire que le pessimisme.
Depuis décembre 2012 jusques à
aujourd’hui, ces déplacés de guerre ont, certes, leur souffrance comme compagnie
mais il faut en prier une fin. Et l’espoir pourra venir des retombées de ces
assises. Le dialogue de Kampala (que beaucoup appellent et baptisent abusivement
de négociations, car ici les textes sont clairs…il y a dialogue et non
négociations) est aussi un soulagement et une révélation.
Un
dialogue-révélation salutaire
Depuis sa convocation, les autorités
provinciales ont pu regagner leurs bureaux. Le gouvernement et l’Assemblée
provinciale du Nord-Kivu, les autorités du parquet, les avocats évacués à cause
des dossiers des rebelles et leurs proches, la société civile,…sont revenus,
pour la plupart, dans la ville de Goma quand le M23 l’a évacuée en échange de ce
dialogue. C’est le plus grand mérite car l’administration est retournée, après
avoir subi un camouflet qui ressemble au satyre tragi-comique à la grecque, que
personne ne souhaitera plus revivre. La colère à travers tout le pays, après la
chute de Goma, a été une preuve que l’affront était incommensurable.
Si
le dialogue-révélation de Kampala n’était pas tenu dans ce contexte, la guerre
serait loin de la province du Nord-Kivu. Les infiltrations au sein des FARDC, la
trahison, l’affairisme, la politique internationale à double langage, la Région
des Pays des Grands-Lacs, l’impréparation de la population congolaise a une
résistance organisée, les conflits politiques internes en RDC, une géopolitique
diplomatique hostile à la RDC…auraient aujourd’hui des conséquences plus
néfastes.
Et même les sommes faramineuses dépensées, comme le soutient
une certaine presse, ne valent rien comparées au coût des affres de guerre. La
révélation en est aussi que l’on sait aujourd’hui, avec les débats de fond, qui
est qui. Depuis novembre 2012, la chute de Goma a été une bénédiction dans le
malheur. Les traîtres de cette province, les vendeurs d’illusions de notre pays
et les collabos, les complices de ce mal profond se sont fait
connaître.
Les imprudences de certains politiciens des salons huppés de
Kinshasa sont tout aussi mises à jour. La course au pouvoir a remonté les
appétits à la surface des débats. La longue liste de 30 personnes et politiciens
du Nord-Kivu, de Kinshasa, de la disposa qui collaborent avec le M23 et consorts
a été connue grâce à ce dialogue de Kampala. Seul, Roger Lumbala a pris en mains
son malheureux destin pour se dévoiler au grand jour pendant que les autres bien
connus de l’opinion se taisent encore dans un silence qui en dit long sur les
non-dits. Le dialogue de Kampala, c’est cela donc.
Un frein éphémère,
certes, de l’avancée du M23 en novembre 2012 et une suite de révélations. Ce qui
en résultera dans les tout prochains jours ne doit être qu’un espoir, car
l’échec de Kampala n’est pas un souhait ni une bonne nouvelle pour Goma et ses
environs. La seconde chute de Goma ne serait pas non plus une bénédiction, même
pour ses prophètes les plus éclairés.
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