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samedi 3 mars 2012

Autour de la renaissance africaine/ Thabo Mbeki : «C’est le peuple qui donne le pouvoir et doit le gouverner»

(Le Potentiel 02/03/2012)

La renaissance africaine est au coeur du débat africain. Thabo Mbeki, ancien président d’Afrique du Sud revient sur la question. Avec des mots précis, durs, à l’endroit de grandes puissances, écoeuré par ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire et en Libye. Mais aussi envers les dirigeants africains, trop passifs, parfois complices alors qu’ils doivent être engagés pleinement dans la défense de la souveraineté nationale. Il propose cinq pistes de solutions qui doivent consacrer la renaissance africaine. Aux temps forts de la guerre en Libye, Thabo Mbeki était monté sur ses grands chevaux pour condamner l’intervention militaire de l’OTAN sans demander l’avis de l’Union africaine. Il considérait cette méthode cavalière de grandes puissances de mépris doublée d’injure envers les dirigeants africains. Ce qui, pour lui, était inadmissible.
Mais Thabo Mbeki se retournait également vers les dirigeants africains pour les accuser d’être «complices» de cette situation en poussant leurs populations à la «révolte». Le problème consiste, selon Thabo Mbeki, à savoir comment on peut arriver à cette révolte populaire.
S’inscrivant quasiment dans la même logique, Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie, s’attardant sur le «Printemps arabe», faisait observer qu’il était important de s’imposer une réflexion pour comprendre pourquoi la «violence» devenait un ultime recours pour obtenir un changement.
Thabo Mebki est revenu à la charge le jeudi 23 février 2012 dans sa conférence donnée à l’Université de Cap Occidental, en Afrique du Sud, avec comme thème principal : «Réflexions sur le maintien de la paix, la souveraineté des Etats et la gouvernance en Afrique». Il esquissait ainsi sa démarche dans la quête de la renaissance africaine, et comment les Africains doivent s’y prendre «pour défendre notre souveraineté».
Il est vrai que cette question est d’actualité brûlante. Trois idées-forces s’y dégagent : maintien de la paix ; souveraineté des Etats, et gouvernance en Afrique. Depuis les indépendances africaines, l’Afrique court derrière cette insaisissable paix. De «l’Afrique des colonels et des généraux» à «l’Afrique des Groupes identitaires» avec le pouvoir au bout du fusil et du trafic des minerais de sang ainsi que de la drogue, l’Afrique n’est pas en paix. Par conséquent, elle brade les attributs de la souveraineté nationale par une mauvaise gouvernance, prenant ainsi en otage les peuples africains. Thabo Mbeki a donc raison qu’on y réfléchisse sérieusement.
Le néo-colonialisme
Le mérite de cette conférence du Cap, et le courage de Thabo Mbeki, c’est d’avoir posé un diagnostic. D’avoir situé les faits sans complaisance en s’appuyant sur le cas de la Libye, surtout, et de la Côte d’Ivoire. Il invite les dirigeants africains à tirer les leçons utiles de l’expérience libyenne. «Dans la période post-guerre froide, les puissances occidentales ont renforcé leur appétit d’intervention sur notre continent, y compris par la force armée pour : - assurer la protection de leurs intérêts, au mépris de notre point de vue, en tant qu’africains ; - ces puissances vont utiliser l’argument selon lequel elles sont nos seules amies, en tant que défenseurs de nos droits démocratiques et humains, obligés d’agir ainsi en particulier lorsque notre continent, à travers l’UA et nos organismes régionaux, peuvent être présentés comme ayant échoué à agir pour défendre ces droits ; - ces puissances vont agir comme elles l’ont fait en Libye en particulier si, dans les situations de conflit interne qu’elles vont aussi fomenter, elles peuvent argumenter qu’elles agissent sous mandat de l’ONU au nom du soi-disant «droit de protéger» ; - notre désunion et la faiblesse du continent à l’égard de la défense du droit de toute l’Afrique à agir pour garantir notre droit à l’autodétermination ouvre la porte à notre «recolonisation», notamment dans le contexte des puissances occidentales de limiter notre possibilité d’établir une alliance véritablement stratégique, en particulier avec la République populaire de Chine», a souligné Thabo Mbeki.
Tout se passe un peu comme lors de la guerre hégémonique. Cette fois, il s’agit des guerres stratégiques, visant à contrer une «nouvelle puissance en émergence qui n’est autre que la Chine». Pas étonnant que l’Afrique en pastisse.
Les 5 pistes de solutions
Ce qui est juste, c’est que Thabo Mbeki ne se contente pas de jeter la pierre sur les puissances occidentales. Il accable également les dirigeants africains qui, volontairement, font montre de cécité et de surdité politiques pour des raisons faciles à deviner. Voilà, pourquoi Thabo Mbeki invite les Africains à «agir de manière décisive pour garantir et réaliser les objectifs historiques qui consacreront la renaissance africaine». Aussi, propose-t-il 5 pistes :
« 1.- renforcer la démocratie et le respect des droits humains sur notre continent. Confirmer que les objectifs nobles de l’Unité africaine et la solidarité ne peuvent être accomplis lorsque chacun de nos pays respecte le principe inaliénable que c’est le peuple qui donne le pouvoir et doit gouverner ; 2.- développer notre propre capacité à résoudre nos conflits, nous engager à trouver des solutions africaines aux problèmes africains, de la même façon que, par exemple, les Européens insistent, à juste titre, qu’ils ont le droit d’arriver à des solutions européennes aux problèmes européens, comme le font les Américains ;
3.- mettre en oeuvre dans tous nos pays des politiques communes pour toute l’Afrique adoptées par le biais de l’OUA et l’UA, dont la mise en œuvre constituerait le ciment dont nous avons besoin pour donner un sens concret à l’objectif à atteindre, et ainsi construire le pare-feu nécessaire pour défendre notre droit à l’autodétermination ;
4.- utiliser ces politiques visant à structurer nos relations individuelles et collectives avec le reste du monde, en particulier pour atteindre l’objectif d’assurer à l’Afrique la place qui lui revient au sein de la communauté des nations, la compréhension de ce qu’aucun de nos pays peut atteindre cet objectif seul ;
5.- renforcer nos organes continentaux et régionaux, en nous appuyant sur nos ressources et institutionnaliser la coopération entre nos 54 Etats, et défendre ainsi l’objectif stratégique de la réalisation de l’objectif historique de l’intégration africaine et de l’unité».
Enfin, Thabo Mbeki conclut par une déclaration dans laquelle il invite les Africains à se souvenir toujours de la Côte d’Ivoire et de la Libye ; que les grandes puissances s’appuient sur le «droit de protéger» qu’ils vont interpréter librement pour servir leurs intérêts ; de faire avancer le processus de démocratisation en Afrique et de protéger les droits de l’Homme ; de disposer des forces de sécurité réellement nationales ; de ne pas rejeter nos préoccupations comme des divagations des toxicomanes ou d’adeptes des théories conspirationnistes».
Oui, Thabo Mbeki a raison. Après la Côte d’Ivoire et la Libye, comment se sont passées les élections en République démocratique du Congo, au Gabon ? Que dire de ces modifications constitutionnelles, de ses interprétations sélectives ? Pourquoi ces rébellions armées au Rwanda, au Burundi, en Ouganda, au Mali, au Nigeria ? Des réponses justes à ces interrogations consacreront la renaissance africaine.
Par Freddy Monsa Iyaka Duku


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