Le procès de l'ancien vice-président de République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba suscite toujours des controverses. L'enquête de la Cour pénale internationale (CPI) piétine et le procureur peine à rassembler les preuves. Les défenseurs du sénateur congolais dénoncent un montage judiciaire destinée à écarter leur client du jeu politique. Le procès tourne en rond et le dossier paraît mal ficelé. Très critiquée en Afrique, la CPI engage sa crédibilité dans l'affaire Bemba.
Après de nombreux reports, le procès de Jean-Pierre Bemba devrait reprendre le 26 janvier 2012. Jean-Pierre Bemba est poursuivi pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis par ses troupes du MLC en Centrafrique en 2002 et 2003. Jean-Pierre Bemba avait alors accepté d'envoyer des soldats pour venir en aide au président centrafricain Ange-Félix Patassé, menacé par les miliciens de François Bozizé. La CPI accuse Bemba d'avoir commandé ses troupes à distance et même de s'être rendu sur place, ce qui nie l'accusé. Pour Jean-Pierre Bemba, ses soldats étaient "prêtés" au président Patassé et donc sous commandement centrafricain.
Suspendu depuis le 10 décembre dernier, le procès a été reporté plusieurs fois en raison des difficultés rencontrés par le procureur de la CPI, à faire venir les témoins à la barre. Une trentaine de témoins ont pourtant été auditionnés par le procureur, mais la CPI n'a toujours pas bouclé la présentation des preuves. Le procureur Moreno Ocampo veut encore entendre 4 témoins importants. Des témoins-clés de l'affaire, puisqu'il s'agit d'anciens alliés de Jean-Pierre Bemba qui pourraient sans doute éclairer la Cour sur les contacts qui pouvait avoir le leader du MLC avec ses troupes en Centrafrique. Seul problème : ces témoins refuseraient de se rendre à la barre et la CPI ne dispose pas de moyens suffisants pour les y contraindre. Une épreuve de plus pour le procureur de la CPI qui essuie depuis plusieurs mois un flot de critiques.
Un procès politique ?
Depuis l'arrestation de Jean-Pierre Bemba, en mai 2008, la CPI peine à convaincre dans ce dossier. Car s'il apparaît évident que les soldats du MLC ont bien commis des atrocités (viols, pillages, meurtres) en Centrafrique, la responsabilité de Jean-Pierre Bemba semble moins claire. Pour les soutiens du patron du MLC, il s'agit ni plus ni moins d'un procès politique : Jean-Pierre Bemba ayant été écarté de la scène politique congolaise pour laissé le champ libre au président Joseph Kabila en 2011.
La défense de Jean-Pierre Bemba soulève plusieurs interrogations :
- pourquoi avoir attendu de 2003 à 2008 pour arrêter Jean-Pierre Bemba ? Candidat à l'élection présidentielle de 2006, Jean-Pierre Bemba a pu se présenter sans être inquiété. Et ses avocats de poser cette autre question : "Jean-Pierre Bemba aurait-il été arrêté s'il avait été élu président de la République ?
- il y a ensuite l'absence sur le banc des accusés du principal intéressé : Ange-Félix Patassé (décédé depuis), le président centrafricain. Patassé était sur place avec les hommes de Bemba et l'armée centrafricaine. Les avocats de Bemba estiment que leur client n'a aucune responsabilité dans les meurtres, les viols et les pillages commis par les soldats du MLC en Centrafrique. Jean-Pierre Bemba déclare être resté dans son fief congolais de Gbadolite ou en Afrique du Sud en train de négocier les accords de paix de Sun City.
Pour bon nombre d'observateurs, les charges contre Bemba "ne tiennent pas debout" et les nombreux reports du procès en sont la preuve. Selon la journaliste Colette Braeckman, spécialiste de la région, "l'affaire n'est pas claire et risque de jeter le discrédit sur la CPI qui n'est pas très objective avec Jean-Pierre Bemba". Pour le procureur Moreno Ocampo, le défi est de taille : éviter l'enlisement et l'impasse. Le procès Bemba constitue un test décisif pour la future crédibilité de la Cour pénale internationale, souvent accusée d'être partiale et de faire le jeu des puissants.
Christophe RIGAUD
Photo : Jean-Pierre Bemba en 2006 à Kinshasa (c) Ch. Rigaud - www.afrikarabia.com
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