Après les dernières sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies contre certains dirigeants du M23, dont son président, Jean-Marie Runiga, les négociations de Kampala semblent avoir été vidées de leur substance. Le discrédit jeté sur le M23 devrait amener Kinshasa à changer de stratégie en évitant de se laisser endormir par des pistes proposées par la CIRGL qui fait la part belle à Kigali et Kampala. Car, pendant ce temps, Kinshasa et New York nagent dans des contradictions qui ne permettent une sortie rapide de la crise.
Contrairement à une certaine rumeur qui prédisait une délocalisation à Brazzaville des négociations entre le M23 et le gouvernement, c’est à Kampala que se poursuivent les pourparlers entre les deux parties. Celles-ci ont échangé samedi dernier avec la médiation ougandaise menée par son ministre de la Défense.
Toutefois, l’ombre d’un échec continue toujours de planer sur les pourparlers de Kampala : le M23 continue à conditionner sa participation à l’acceptation par Kinshasa d’un cessez-le-feu.
Malgré cela, sur le front diplomatique, le groupe armé à la solde du Rwanda et de l’Ouganda se trouve de plus en plus dans de beaux draps. Deux de ses principaux animateurs, dont son président Jean-Marie Runiga, sont visés par l’Onu.
Pendant ce temps, à Kinshasa, l’on ne s’en émeut pas. Bien au contraire, l’on se montre plus que disposé à négocier avec le M23. L’apathie de Kinshasa étonne. Comment Kinshasa accepte-t-il de poursuivre les négociations avec un groupe rebelle, visiblement indexé par l’Onu ? C’est la première contradiction.
La deuxième contradiction tient aux personnes visées par les sanctions prises par l’ONU. C’est curieux que le Conseil de sécurité de l’Onu limite ses sanctions aux seuls dirigeants du M23, méconnaissant, contrairement aux conclusions du dernier rapport de son groupe d’experts pour la RDC, l’implication directe du Rwanda et de l’Ouganda. Ce qui porte à croire que dans l’entendement de l’Onu, le Rwanda et l’Ouganda sont épargnés de toute responsabilité dans la guerre dans l’Est de la RDC. Qu’on le veuille ou pas, cette approche dénature totalement les faits sur le terrain.
Négocier directement avec les parrains du M23
Ces contradictions devraient logiquement, commente-t-on dans certains milieux, pousser Kinshasa à recadrer son action. Il s’agit de voir autrement la sortie de crise dans l’Est du pays. Dans la mesure où négocier avec le M23, c’est passer outre le point de vue exprimé par l’Onu qui, en multipliant ses sanctions contre les dirigeants du M23 légitiment indirectement son action sur le plan international. Mutatis mutandis, toute poursuite des négociations avec le M23 serait sans objet. A la limite, les conclusions qui en découleraient risquent de ne pas être avalisées par la communauté internationale.De ce point de vue, la vraie négociation à laquelle devait adhérer Kinshasa est celle qui le met directement en face du Rwanda et de l’Ouganda. Toute autre piste qui s’écarte de cette logique est d’ores et déjà vouée à l’échec.
De quel côté se trouve l’Onu ?
Après avoir longtemps hésité d’incriminer le Rwanda, l’Onu continue à afficher une position ambigüe. Le Conseil de sécurité a sanctionné certains dirigeants du M23, mais se refuse, en même temps, de faire allusion aux conclusions de son groupe d’experts pour la RDC, lesquels recommandaient des sanctions sévères contre le Rwanda et l’Ouganda pour leur soutien au M23. D’où, d’aucuns se demandent avec qui l’Onu roule? Ou encore, pour qui roule-t-elle ?Il est temps de lever l’équivoque.
Human Rights Watch (HRW) ne cache pas sa désapprobation par rapport à cette attitude quasi complice de l’ONU. C’est notamment lorsque l’ONG fustige la part belle faite au Rwanda par les instances de décision de l’ONU. Invité de RFI le 31 décembre 2012, le représentant de HRW auprès des Nations unies, Philippe Bolopion, a invité le Conseil de sécurité à se montrer ferme vis–à-vis du Rwanda dans le dossier de l’Est de la RDC d’autant plus que « le Rwanda va être en position de prendre des décisions cruciales pour l’avenir du Congo, le pays qu’il est accusé de déstabiliser ».« Le fait que le Rwanda occupe un siège au Conseil de sécurité à partir de demain est extrêmement inhabituel et problématique puisque le Rwanda a été accusé à plusieurs reprises par le rapport des experts de l’ONU d’avoir soutenu et armé un mouvement rebelle le M23 dans l’Est de la RDC qui commet des violations extrêmement graves des droits de l’Homme », a ajouté Philippe Bolopion.
Il a, par ailleurs, appelé les autres pays du Conseil de sécurité de l’ONU à « envoyer un message très fort au Rwanda dès qu’il arrivera au conseil en sanctionnant les hauts responsables rwandais qui sont accusés d’avoir soutenu le M23 et de continuer à le faire ».
Les responsables rwandais mis en cause par le groupe des experts de l’ONU pour la RDC sont, entre autres, le ministre rwandais de la Défense, le général James Kabarebe, et d’autres officiers supérieurs de l’armée rwandaise, clairement identifiés, surtout, après la chute le 20 novembre 2012 de la ville de Goma entre les mains des rebelles du M23.
Autant de raisons qui poussent l’opinion à croire à des complicités internes au sein de l’ONU. Des sanctions ciblées contre certains dirigeants du M23 ne sont qu’une façon pour l’ONU de cacher le vrai problème.
Aussi longtemps que ses sanctions ne contraindraient pas le Rwanda à cesser toute activité de déstabilisation, le bout du tunnel s’éloignerait davantage quant au retour rapide de la paix dans l’Est de la RDC. Au lieu de s'acharner seulement sur les agents d'exécution de la crise de l'Est du Congo, le Conseil de sécurité des Nations unies ferait mieux de cibler les vrais auteurs du drame de l’Est de la RDC, à savoir le Rwanda et l'Ouganda.
Pour toutes ces raisons, Kinshasa a intérêt à revoir sa position par rapport à la guerre lui imposée dans l’Est de son territoire. A la CIRGL tout comme au sein de l’Onu, tout est mis en place pour le fragiliser davantage. Sinon, rien ne saurait justifier les tergiversations de l’Onu lorsqu’il s’agit de sanctionner les vrais coupables du drame humanitaire de l’Est du Congo qui a déjà fait plus de six millions de morts et des centaines de milliers de déplacés internes et autres réfugiés.
Manœuvres dilatoires de Kabila pour gagner du temps
Selon une source proche du M23, «les pourparlers de Kampala constituent une occasion pour Joseph Kabila de multiplier des manœuvres dilatoires pour gagner du temps». Pour cette source, les dirigeants du M23 sont décidés à montrer à «Joseph» qu’ils sont des «partenaires qu’on doit traiter avec considération et respect». Tout pourrait donc arriver dans les jours et semaines à venir. Le meilleur comme le pire.Au cours d'un entretien à Radio Panik de Bruxelles, Roger Lumbala, le président du RCD-National a réaffirmé son rapprochement avec le M23 tout en précisant qu’il n’a pas adhéré au mouvement. Selon lui, il ne serait pas le seul acteur politique congolais à assister à ces pourparlers dans la délégation du M23. «Je fais partie de la délégation du M23, a-t-il déclaré. Outre moi-même, il y a également Joseph Olenghankoy, Jeannot Mwenze Nkongolo et José Makila».
« Nous sommes dans la délégation du M23 mais nous n’appartenons pas à ce Mouvement», martelait-il avant de rappeler que «Joseph Kabila» et Roger Lumbala «sont issus de mouvements rebelles». Pour lui, la rébellion est une bonne initiative «pour chasser l’usurpateur» qui trône à la tête de l’Etat congolais, conformément à l’article 64 de la Constitution.
Lumbala a, par ailleurs, regretté le refus manifesté à maintes reprises par «Joseph Kabila» de dialoguer avec les représentants de l’opposition. Pour lui, n’eut été la chute de Goma entre les mains du M23, le locataire du Palais de la nation n’aurait jamais accepté d’engager les discussions en cours à Kampala. Comme pour dire que « Joseph » ne respecte que ceux qui lui opposent la violence, Lumbala de lancer : « Joseph Kabila ne sera pas chassé du pouvoir par des discours ou en encore en se déhanchant sur la danse Mukongo ya koba». «Mon objectif est que la vérité des urnes soit faite par l’accession d’Etienne Tshisekedi à la tête de l’Etat ». A-t-il eu quelques contacts avec la délégation du gouvernement ? Ne redoute-t-il pas qu’on s’achemine vers la balkanisation du pays ? A en croire Lumbala, jusque samedi 5 janvier, il n’aurait pas eu de rencontre avec les officiels venus de Kinshasa. Pour lui, il n’y aura pas de Balkanisation du pays. «Le Kivu n’ira jamais au Rwanda, martélait-il. Joseph Kabila veut la poursuite de la guerre pour faire tuer nos frères qui sont dans les FARDC». Et de poursuivre : «J’entends jouer le rôle de colombe. Je ne veux plus de guerre au Kivu. Kabila doit signer le cessez-le-feu ».
Dans son intervention, Lumbala a rappelé les trois points à l’ordre du jour : les revendications liées à l’Accord du 23 mars 2009, la vérité des urnes et le fédéralisme. Ne va-t-on pas vers le séparatisme ? «Nullement, dira-il à notre consoeur. Il y aura de garde-fous». Il se lance par la suite dans une sorte d’éloge du fédéralisme : «Le Congo-Kinshasa a vécu sous le système de centralisme depuis 52 ans, quel en est le résultat ?». «Joseph Kabila est au pouvoir depuis douze ans et n’est même pas capable de donner de l’eau potable à la population».
[avec Le Potentiel, CongoIndependant, radio Panik]
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