(Le Potentiel 29/01/2013)
En marge du Forum économique de Davos (Suisse), clos samedi
dernier en Suisse, le président rwandais, Paul Kagame, est allé annoncer la
création à Kigali d’une bourse des matières premières de l’Afrique de l’Est. Que
le Rwanda, pays dépourvu de ressources naturelles, hormis le thé, héberge
pareille organisation procède du plan d’ancrage de Kigali qui, avec le soutien
de ses parrains occidentaux, tente de blanchir le pillage des ressources
naturelles de la RDC.
Le quatrième Forum économique de Davos en Suisse a
été clos samedi dernier par une annonce qui a frappé d’étonnement tous les
participants non intéressés. Le président rwandais, Paul Kagame, pointé du doigt
par l’ONU dans l’insécurité récurrente qui endeuille depuis plus d’une décennie
l’Est de la RDC, a réussi à faire passer son projet de création à Kigali d’une
bourse des matières premières. Lorsqu’on sait que son pays, le Rwanda, n’a pour
seule production déclarée que le thé, il y a de quoi se poser des questions sur
les mobiles qui sous-tendent cette initiative.
A Davos, le président
rwandais, qui a fait personnellement le déplacement de la Suisse pour défendre
son projet, s’est fait entourer de Mme Jendayi Frazer et de M. Nicolas
Berggruen. La première, est une ancienne sous-secrétaire d’Etat américaine aux
Affaires africaines sous l’administration George W. Bush. Elle représentait, à
Davos, un organisme dénommé 50 Ventures. Le second est le patron de Berggruen
Holdings.
C’est au cours d’une conférence de presse, organisée le
mercredi 23 janvier en marge du Forum de Davos, que ce trio a annoncé la
création d’une bourse des matières premières à Kigali, dénommé East Africa
Exchange (EAX).
EAX Rwanda est la première partie d'une bourse régionale
qui vise à accroître la transparence des marchés des produits de la région des
Grands Lacs. Selon ses initiateurs, les échanges dans cette bourse se
concentreront d'abord sur la création d'un centre de vente aux enchères et le
négoce au comptant pour l'agriculture et les produits non agricoles. Il s’agira
aussi de développer des marchés à terme en Afrique orientale. Ses principaux
investisseurs sont Berggruen Holdings, une société d'investissement
panafricaine, la Fondation Tony Elumelu, 50 Ventures et Rwandan Led Ngali
Holdings.
Sur papier, la bourse des matières premières de Kigali fait
partie intégrante des dispositifs d’intégration prévus dans l’accord créant la
Communauté économique de l'Afrique de l'Est (CAE).
Prenant la parole au
nom du gouvernement du Rwanda, John Rwangombwa, ministre des Finances et de la
Planification économique, a déclaré que « la Bourse des matières premières de
Kigali s'inscrit parfaitement dans notre vision de transformer la vie de tous
les Rwandais. Ce partenariat est une opportunité destinée à renforcer les liens
entre les producteurs et le marché et d'accroître l'accès à des informations
vitales pour la découverte des prix. Nous sommes impatients de travailler avec
les investisseurs de la Bourse de l’Afrique de l'Est pour augmenter les revenus
des producteurs et à améliorer leurs vies ».
Au-delà de la création de
cette bourse, Berggruen Holdings, la Fondation Tony Elumelu et 50 Ventures,
présidé par Jendayi Frazer, ont également scellé un partenariat visant à terme
la création à partir de Kigali de « Africa Holdings Exchange, Ltd (AFEX) », qui
vise à développer un réseau d'échanges des matières premières en Afrique pour
transformer la dynamique des échanges et assurer une meilleure redistribution
des revenus pour les ruraux pauvres.
Les dessous des cartes
Ce qui est
curieux, c’est que la création de cette bourse des matières premières intervient
au moment où le Rwanda est en train de voir son influence sur la RDC être
réduite suite aux pressions de la communauté internationale. Il s’agit d’un
sursaut, mieux d’un remake, encouragé en cela par de vieilles relations tissées
du temps où toutes les portes de grandes puissances s’ouvraient à l’approche de
Paul Kagame.
Comme le nombre de négriers des temps modernes ne cesse
d’augmenter, l’homme fort de Kigali n’a pas eu de mal à recruter des gens très
intéressés et attirés par la manière dont on peut réussir le business en RDC.
C’est le cas de Jendayi Frazer, une Noire-américaine qui a effectué beaucoup de
voyages en RDC et dans la région des Grands Lacs en qualité d’officielle.
Devenue femme d’affaires, on ne sait par quelle magie, elle est tombée sous le
charme de Paul Kagame qui l’a embarquée dans la concrétisation d’un vieux
projet.
Quid ? De tout temps, Kigali s’est fixé pour objectif de s’ériger
en plaque tournante dans le commerce des minerais exploités illicitement dans la
partie Est de la RDC. Malheureusement, à l’époque, son projet de création d’une
bourse des matières premières s’est heurté à l’opposition de certains
partenaires extérieurs qui ne voulaient pas se couvrir de ridicule. Il y a un
sursis. Car la promulgation en 2010 de la loi américaine Dodd-Frank obligeait
les entreprises étrangères à prouver la traçabilité des minerais en provenance
de l’Est de la RDC. Ce fut un coup de massue pour le président rwandais, obligé
de ravaler sa salive.
Mais puisque la détermination, à la manière de la
peur, donne des ailes, l’homme fort de Kigali a repris du poil de la bête en
misant sur des « négriers des temps modernes », tels Susan Rice, ambassadrice
des Etats-Unis aux Nations unies, et Jendayi Frazer, ex-secrétaire d’Etat
américaine aux Affaires africaines, aujourd’hui présidente de 50 Ventures. Ces
dames afro-américaines ont juré d’accompagner le président rwandais dans son
projet de pillage des ressources naturelles de la RDC.
C’est tout le sens
de la création de cette bourse des matières premières. L’évocation de la
Communauté de l’Afrique de l’Est n’est qu’une diversion pour détourner l’opinion
de véritables motivations. D’un côté, il s’agit pour le président Paul Kagame de
légitimer le pillage des ressources naturelles de la RDC, sur lequel il fonde
d’ailleurs la prospérité de son économie. D’aucuns, très au fait de motivations
réelles, font plutôt état d’une tentative de blanchiment de ressources
naturelles de la RDC, au cas la concrétisation du projet de balkanisation
prendrait du temps suite à l’éveil de consciences en RDC et au sein de la
communauté internationale. De l’autre côté, la création de cette bourse des
matières premières permet au président rwandais de contourner le verrou créé par
la loi Dodd-Frank.
En effet, rien ne justifie, dans les circonstances
actuelles, la création à Kigali d’une bourse des matières premières, fut-elle
sous le sceau de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Le Rwanda qui n’a pour
seule ressource naturelle que le thé n’a aucune raison d’abriter sur son
territoire une bourse des matières premières. En réalité, ce sont les matières
premières de l’Est de la RDC qui sont visées. Et, à Davos où se sont réunis les
grands décideurs économiques du monde, le Rwanda est allé vendre son projet,
convaincu de l’appui de ceux qui, en Occident, sont attirés par l’enrichissement
et le gain facile.
Le monde – les Nations unies en premier – ferait
mieux d’accentuer la pression sur Kigali pour contraindre le président Kagame
renoncer à son projet de pillage des ressources naturelles de la RDC. Ce
pillage, vieux d’une quinzaine d’années a déjà causé la mort plus de six
millions de paisibles citoyens congolais.
Kagame n’a qu’un seul objectif
: avoir le contrôle de toute la filière de production et de commercialisation
des matières premières tirées du sol et du sous-sol de la RDC. Ce qui explique
toutes les guerres récurrentes dans l’Est de la RDC où pullulent et se succèdent
au rythme infernal des rébellions et groupes armés. Alors qu’en réalité ce ne
sont que des mailles d’un vaste réseau de contrebande des minerais produits en
RDC.
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