(L'Avenir
Quotidien 18/01/2013)
L’anniversaire de la mort de Patrice Lumumba, assassiné le
17 janvier 1961, n’a pas été célébré seulement par un office religieux solennel
et une journée de congé qui a suivi un autre jour férié, marquant la mort, le 16
janvier 2001, d’un autre héros national, Laurent Désiré Kabila.
A leur
façon, les pays du sud du continent, membres de la SADC (conférence des Etats
d’Afrique australe), ont eux aussi salué la mémoire de ces deux figures
marquantes du panafricanisme qu’étaient Lumumba et LD. Kabila : une cinquantaine
de chefs d’état majors et de militaires de haut rang, venus de Tanzanie, du
Zimbabwe, d’Angola, d’Afrique du Sud, du Malawi, se sont réunis à huis clos à
l’Hôtel du Fleuve à Kinshasa où ils ont retrouvé leurs collègues
congolais.
Ces derniers, ainsi que nous l’a confié le chef d’état major,
le général Didier Etumba, sont encore sous le coup de l’humiliation qui leur
avait été infligée le 20 novembre dernier, lorsque le M23, appuyé par l’armée
rwandaise, s’était emparé de Goma, la capitale du Nord Kivu. Croquis à l’appui,
le général Etumba nous le appelle « nous n’avons pu défendre Goma, car, en appui
au M23 que nos forces avaient combattu avec succès, des unités rwandaises ont
pénétré en territoire congolais depuis Kibumba, à 30 km au nord de la ville.
Comme elles étaient adossées sur la frontière, il nous était impossible de les
poursuivre, sauf en déclarant la guerre au Rwanda et en pénétrant sur le
territoire du pays voisin ; alors que nous étions attaqués dans le dos, nous
étions paralysés… »
A cette humiliation des forces congolaises s’est
ajoutée l’impuissance de la Monusco, la Mission des Nations unies au Congo, qui
s’est avérée incapable d’empêcher la prise de Goma. La ville fut cependant
évacuée quelques jours plus tard, en échange de négociations politiques
réunissant à Kampala les autorités congolaises et des représentants du
M23.
La nécessité d’une force neutre
A la suite de ces évènements
dramatiques, qui, selon le ministre de l’intérieur congolais Richard Mueyej, «
ont provoqué le déplacement de 800.000 civils » la situation a évolué rapidement
sur le plan régional : les pays d’Afrique australe, alliés de Kinshasa et
hostiles à une déstabilisation du pays, ont décidé de créer une « force neutre »
qui sera déployée sur la frontière entre le Rwanda et le Congo. Cette force
observera les mouvements suspects et sera chargée de neutraliser les « forces
négatives » c’est-à-dire des rebelles hutus rwandais hostiles à Kagame mais
aussi les soldats tutsis du M23 alliés de Kigali.
Pour résoudre les
problèmes de financement et de logistique qui se poseront à cette force de
quelque 3000 hommes, il a finalement été proposé de l’intégrer à la Monusco, la
Mission des Nations unies au Congo. Cette dernière, malgré 17.500 hommes sur le
terrain et un budget d’un milliard 200 millions de dollars, est régulièrement
critiquée pour son impuissance et l’insuffisance de son
mandat.
L’intégration de ces militaires originaires de pays d’Afrique
australe jaloux de leur autonomie au sein d’une force onusienne largement
discréditée pour l’impuissance dont elle a fait preuve depuis dix ans sinon pour
ses ambiguïtés et certains trafics ne va cependant pas de soi. Les alliés du
Congo reconnaissent qu’ils doivent tenir compte d’impératifs budgétaires : le
déploiement de la « force neutre » pourrait coûter 100 millions de dollars et
même si Kinshasa a déjà avancé 20 millions, la SADC peine à trouver le
complément. C’est pourquoi il apparaît comme une nécessité de pouvoir compter
sur la logistique et les moyens de la Monusco, qui pourrait à cette occasion
redorer son blason.
Mais avant de se rendre à Kampala pour finaliser
l’opération conjointe avec l’ONU, les officiers africains se sont réunis à
Kinshasa et, selon certaines sources, ils ont posé des conditions assez « raides
» : non seulement ils entendent garder leur autonomie opérationnelle mais
certains pays souhaiteraient que leurs hommes remplacent purement et simplement
des unités originaires d’Asie, (Inde, Pakistan, Bangla desh) considérées comme
inefficaces et manquant totalement de compréhension du terrain. Il y a déjà
longtemps que, dans les couloirs de l’ONU circule l’idée de remplacer les
bataillons asiatiques par des forces africaines, à condition d’en
disposer…
En privé certains alliés ont aussi posé des questions à leurs
homologues congolais à propos de l’”état de l’armée, des trahisons en son sein,
de la corruption..
L’arrivée au Nord Kivu de 600 militaires tanzaniens,
réputés bons combattants, appuyés par la logistique sud africaine et angolaise,
rejoints par d’autres contingents originaires du sud du continent modifierait
sans doute la donne et un tel déploiement est très mal vu par Kigali. Le Rwanda
a déjà repoussé l’idée d’un survol de la frontière par des drones, ces avions
sans pilote qui photographieraient impartialement tous les mouvements suspects,
toutes les infiltrations, dans les deux sens.
Si les alliés du Congo en
Afrique australe se mobilisent, les Belges ne se montrent pas inactifs : ils ont
déjà formé les deux brigades qui se sont montrées les plus performantes lors de
la dernière guerre du Kivu (malgré de lourdes pertes…) et envisagent d’en former
une troisième, à condition que, bien dirigées et orientées elles ne soient pas
les premières victimes d’une autre hécatombe.
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