(Le Potentiel 31/01/2013)
Pour tout observateur averti de la vie politique congolaise,
les relations sino-congolaises ont été marquées par deux événements passés
presqu’inaperçus. Le premier, c’est l’absence de visites officielles à haut
niveau à Kinshasa. Ni le Président Hu Jintao ni le Premier Ministre Wen Jiabao
n’ont jamais été en RDC alors qu’ils ont effectué des visites en Angola, au
Congo-Brazza et au Cameroun. Le deuxième événement est le tollé général soulevé
dans le monde occidental par les contrats commerciaux signés entre la RDC et la
Chine connus sous ‘contrats chinois’ alors d’autres pays africains ont reçu des
investissements chinois sans que l’Occident proteste.
Pour comprendre
les attitudes occidentales face à cette question de la Rdc, il faut d’abord
analyser la place de la Chine dans ce monde en mutations, ensuite décrypter les
enjeux de la présence chinoise en RDC.
LA CHINE DANS LES MUTATIONS
MONDIALES
Le monde est entré dans une période de mutations sans précédent
dans l’histoire. Le Général Scowcroft et Zbigniew Brzezinski l’expliquent très
bien dans leur livre sur la politique étrangère américaine : c’est la première
fois dans l’histoire du monde que tous les peuples sont politiquement actifs.
Cela remet en cause le rôle de timonier joué par les Européens depuis le XVIème
siècle et les Américains au XXème siècle.
Mentalement les occidentaux ne
sont pas prêts à assumer cette remise en cause. Les forces néoconservatrices
sont prêtes à mettre le monde à feu et à sang pour imposer partout les valeurs
occidentales, souligne Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères
de la France dans ouvrage « Dans la mêlée mondiale 2009-2012 ».
Pour sa
part, Alexandre Kateb, dans son ouvrage intitulé les nouvelles puissances
mondiales, pourquoi les bric changent le monde, révèle que ce qui s’est joué
dans la crise financière de 2008, c’est un basculement du centre de gravité
économique de la planète. Mettant ainsi fin à deux siècles de domination
occidentale sur le monde.
Il s’observe un mouvement contraire : le
centre du monde est en train de basculer de l’Occident vers l’Asie. L’Inde et,
surtout, la Chine créditée d’une croissance économique record, bouleversent le
rapport de force dans le monde. A ce jour, la région de l’Océan indien se trouve
au cœur de cette tempête géopolitique. Cette région va devenir le centre de
gravité stratégique mondial du 21ème siècle, prédisait le proche conseiller
d’Obama, Robert D. Kaplan.
Non seulement cet océan constitue un passage
vital pour le commerce et les ressources énergétiques entre le moyen Orient,
l’Asie de l’Est, mais il est aussi au cœur de l’Axe économique qui se développe
entre la Chine, l’Afrique et l’Amérique du Sud.
Derrière ce basculement
se profile l’affrontement entre deux grandes puissances économiques : la Chine,
puissance émergente et les Usa, puissance régnante. Les Usa tentent par tous les
moyens, y compris militaire, d’empêcher la Chine d’accéder à la suprématie
mondiale ; en revanche, celle-ci cherche par d’autres moyens, d’une part à
élargir sa zone naturelle d’influence, d’autre part à s’infiltrer partout où ses
intérêts sont en cause.
D’ici 2016, selon toutes les prévisions, la Chine
deviendra la première économie mondiale, devant les Etats-Unis d’Amérique. Cette
émergence est présentée comme une menace pour le monde occidental. Selon
l’écrivain français, Eric de la Maisonneuve, dans son essai ‘ Chine, l’envers et
l’Endroit’, cette menace est une réalité. D’abord, dans le domaine économique où
les entreprises chinoises ont arraché des parts de marché substantielles aux
multinationales occidentales et entamé sérieusement leur suprématie
planétaire.
Ensuite, sur le plan financier où les réserves monétaires de
la banque de Chine pèsent lourdement sur la conjoncture et paraissent
incontournables pour régler la crise d’endettement des occidentaux. Cela donne à
la Chine un pouvoir d’arbitrage mal ressenti par les anciens « maîtres du monde
». La Banque de Chine détiendrait pour 1.600 milliards de dollars de bons du
trésor américain et pour environ 600 milliards d’euro de la dette européenne. La
Chine a racheté les dettes de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce.
En
dehors de sa puissance économique, la Chine propose une nouvelle doctrine en
matière de politique étrangère : les concepts de « développement pacifique » et
de « monde harmonieux » lesquels privilégient la coopération internationale et
le règlement pacifique des différends. Cela relève de principes essentiellement
multilatéraux, mais en même temps servent les intérêts nationaux de la
Chine.
En d’autres termes, la politique extérieure de la Chine se résume
en trois principes : non à l’expansion (ne pas suivre la voie des puissances
coloniales) ; non à l’hégémonie (pas de domination mondiale) et non aux
alliances avec une ou des puissances afin d’éviter de provoquer une nouvelle
guerre froide.
Par ailleurs, la Chine a proposé un autre modèle dans la
politique de développement : consensus de Pékin. Cela signifie que l’aide au
développement se fait sans conditionnalités et toutes les parties doivent être
gagnantes, d’où la célèbre expression « win win », en antipode au modèle
américain (consensus de Washington) assorti de conditionnalités, notamment la
démocratie, le respect des droits de l’homme, la bonne gouvernance et le
libéralisme économique.
En tout état de cause, la Chine, fidèle aux
grands principes qui commandent ses relations extérieures, se montre réticente à
intervenir dans les affaires intérieures des États, au nom du respect de la
souveraineté nationale et du refus du droit d’ingérence. Face à cette montée en
puissance de la Chine et surtout à sa nouvelle puissance militaire, le
Département d’Etat américain combine trois lignes de conduite : la coopération
entre les Usa et la Chine dans plusieurs domaines ; l’endiguement, en rassurant
les voisins de la Chine et la guerre idéologique polie mais instante contre le
régime du Parti communiste chinois, souligne Edward N. Luttwak dans son ouvrage
‘La montée en puissance de la Chine et la logique de la
stratégie’.
Cependant ces trois lignes de conduite ne sont pas efficaces.
Pour l’auteur américain, les seuls moyens de résistance seraient alors
géoéconomiques : ils consisteraient à appliquer la logique de la stratégie à la
grammaire du commerce : réduire les importations chinoises, refuser autant que
possible d’exporter des matières premières et cesser les transferts de
technologies nécessaires à la Chine.
Il est évident que si le
développement militaire de la Chine ne pourrait plus être contré, la seule
alternative possible à la soumission serait d’entraver sa croissance économique
à un degré suffisant pour préserver l’équilibre des forces. Voila ce qui
explique les guerres entretenues par les Usa et leurs partenaires en Afrique et
dans le Moyen-Orient. Couper la Chine du reste monde en la confinant dans la
région des océans Indien et Pacifique contrôlés par l’armée américaine reste
leur objectif principal.
A cette logique de la stratégie à la grammaire
du commerce, le professeur et ancien secrétaire d’Etat américain Henry
Kissinger, dans son ouvrage « De la Chine », tire la sonnette d’alarme. Un
dessein explicite de l’Amérique qui viserait à organiser l’Asie à partir de
l’endiguement de la Chine ou de la création d’un bloc d’Etats démocratiques en
vue d’une croisade idéologique, court à l’échec. En partie parce que la Chine
représente un partenaire commercial indispensable.
Et au prof de
conclure : les Usa et la Chine doivent à leur peuple et au bien-être du monde
d’y travailler. Chacun de ces pays est trop immense pour qu’un rapport de
domination sur l’autre s’établisse. C’est pourquoi ni l’un ni l’autre n’est en
mesure de définir les termes de la victoire dans une guerre ou dans un conflit
de guerre froide.
ENJEUX DE LA PRESENCE CHINOISE EN RDC
Le
gouvernement congolais n’ayant pas eu le soutien financier qu’il attendait des
institutions financières internationales pour financer le développement du pays
sorti de la guerre d’agression déclenchée par le Rwanda, l’Ouganda soutenue par
les puissances occidentales, va solliciter à la Chine un emprunt de 9 milliards
de dollars.
Au lieu de suivre la voie classique, celle de passer par les
institutions financières internationales, le Congo et la Chine ont fait le choix
du système de troc, c’est-à-dire, les minerais contre des infrastructures,
hôpitaux et autres… Cette nouvelle manière de procéder n’est pas du goût de
l’Occident qui estime que la dette du Congo va s’alourdir alors qu’il est en
programme avec le Fmi, consistant à aider le gouvernement à réduire sa dette
extérieure.
C’est ainsi qu’à la veille de l’effacement de plus du tiers
du stock de la dette extérieure, les institutions internationales ont fait
pression sur Kinshasa pour qu’il ne s’engage pas avec la Chine. Pour le FMI,
neuf milliards de dollars représentaient plus de 70% du produit intérieur brut.
Pour cette raison, la RDC ne devrait pas s’endetter au-delà de ses capacités
réelles.
Des discussions engagées, il s’est dégagé un compromis pour
rendre ces contrats soutenables par la RDC. Les trois milliards USD qui
représentaient la part privée ayant bénéficié de la garantie de l’Etat congolais
ont été élagués. Au final, ce sont six milliards USD qui ont été retenus. Les
six milliards USD ont comme contrepartie la construction des infrastructures
dont le pays a besoin (routes, hôpitaux,...).
Les trois autres milliards
constituaient la quote-part destinée à l’investissement dans le cadre de la
joint-venture avec la Gécamines appelée Sicomines. Cette société a pour vocation
d’exploiter les mines en vue d’opérer le remboursement des ressources
financières engagées pour la construction des infrastructures. Selon certaines
informations, jusqu’à ces jours, la partie chinoise n’a pas encore commencé à
exploiter les mines en contrepartie de la construction des
infrastructures.
Alors pourquoi les puissances occidentales se sont-elles
levées contre la signature des accords commerciaux entre Kinshasa et Beijing ?
La réponse à cette question se trouve d’abord dans l’histoire des relations de
la Rdc avec les puissances occidentales depuis 1885 à la conférence de Berlin.
Pour l’Occident, le Congo reste le réservoir de matières premières pour ses
industries.
Dans cette logique, aucune autre puissance ne peut mettre
ses pieds sur sa platebande. A cet égard, les propos de l’ancien ministre belge
des affaires étrangères, Karel de Gucht – actuellement commissaire européen -
devant les journalistes au plus fort désaccord avec le président Kabila,
illustre l’état d’esprit des élites occidentales. « Nous n’allons pas quand même
lâcher notre Congo à ces chinetoques (chinois)’, déclarait Karel.
En
outre, la présence des industriels et commerçants chinois mettent en difficulté
les Occidentaux qui perdent le monopole du marché congolais. Les mines et les
infrastructures qui étaient la chasse gardée des Occidentaux sont aujourd’hui
disputées par les Chinois. Enfin, l’accès aux matières stratégiques pose
problème. Le Congo regorge des terres rares, et surtout le coltan de la région
du Kivu qui représente 60 à 80 % des réserves mondiales de tantale (métal
extrait du coltan).
Les Usa et l’Europe sont totalement dépendant des
réserves étrangères en coltan. L’enjeu pour les Etats aux systèmes de défense de
haute technologie est que le coltan est indispensable à l’industrie
aéronautique, aérospatiale et de défense (réacteurs, missiles, satellites,
etc.).
Puissance émergente, la Chine a grandement besoin des matières
premières, en particulier du coltan pour le développement de son industrie. Pour
les occidentaux, il faut à tout prix l’empêcher d’accéder au coltan congolais et
la contraindre de passer par leurs multinationales pour mieux la contrôler.
Déjà, la Chine est premier producteur des terres rares et garderait 97 % de la
production mondiale. C’est qui inquiète l’Occident.
Voila pourquoi malgré
les rapports des Nations unies sur les pillages des ressources naturelles du
Congo, aucun pays, aucune société occidentale, aucun individu n’est condamné par
la justice internationale. Et surtout ces pillages ont occasionné le génocide de
6 millions de Congolais. Donc contrairement à l’Occident qui nous fait la guerre
pour piller nos ressources, la Chine, elle, achète nos matières
premières.
Publié le jeudi 31 janvier 2013 01:00
Écrit par FREDDY
MULUMBA KABUAYI
© Copyright Le
Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre message.
Je tiens à vous rappeler que vous etes le seul responsable des propos tenu dans vos commentaires...