(Le Potentiel 03/11/2011)
Regain d’insécurité dans la sous-région des Grands Lacs. A l’Est de la RDC, les FDLR et la LRA sont toujours actives. Au Burundi, l’on reparle d’une imminente guerre civile pendant qu’au Rwanda, le retour des réfugiés rwandais devient problématique. Comme si cela ne suffisait pas, voici que l’on parle maintenant des Shebab, ces islamistes armés de la Somalie dont la présence vient d’être signalée dans la sous-région des Grands Lacs. Juste au moment où la RDC s’apprête à aller aux élections. Curieuse coïncidence. Danger à l’horizon.
Le Journal Le Potentiel ne croyait pas si bien dire dans son édition du lundi 31 octobre. En effet, dans son article intitulé «Vivre ou disparaître, Elections 2011 : piège de la balkanisation», Le Potentiel évoquait la menace qui plane sur la sous-région des Grands Lacs. Celle-ci se précise.
En effet, il se tient depuis mardi à Bujumbura, une réunion de chefs des services de renseignements des pays membres de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, CIRGL. Il s’agit d’un échange d’informations avant de lever une option efficace autour de la neutralisation des forces négatives qui écument dans la région. Principalement les FDLR du Rwanda qui sont encore en RDC ; la LRA de l’Ouganda présente en RDC, RCA et au Sud Soudan ; les Forces démocratiques Alliées, ADF, de l’Ouganda. Sans oublier une branche armée des FNL sous le commandement d’Agathon Rwasa, du Burundi. Le représentant du gouvernement burundais, le vice-président de la République, Terence Sinunguruza, a émis le souhait de voir cette réunion «planifier des mesures concrètes». Au besoin, décréter des «opérations militaires conjointes» pour mettre hors d’état de nuire «ces fauteurs de troubles», pour reprendre ses propres termes.
Mais la sonnette d’alarme a été tirée par l’ambassadrice Liberata Mulamula, secrétaire exécutive de la CIRGL, en signalant la «présence des Shebab» dans la sous-région. Il s’agit de ces rebelles islamistes somaliens qui sèment la mort dans leur pays et qui sont aujourd’hui pourchassés par les armées régulières kenyane et somalienne. Autant les FDLR et la LRA menacent les institutions des pays comme la RDC, le Rwanda, le Burundi, la RCA, l’Ouganda et le Sud-Soudan, autant les Shebab amènent le pire dans la sous-région des Grands Lacs. La secrétaire exécutive de la CIRGL a appelé à des mesures urgentes pour souligner la gravité de la situation.
DES SIGNES AVANT-COUREURS
L’ambassadrice Liberata Mulamula vient de dire tout haut ce que des personnes averties disaient tout bas jusqu’ici. En fait, il y avait déjà des signes avant-coureurs de la gravité de cette situation. L’on en voudrait pour preuve la décision de Washington d’envoyer des militaires américains dans la région dans le but de traquer la LRA. Bien avant, à Libreville, l’ONU organisait une rencontre axée justement sur la paix et la sécurité dans la région des Grands Lacs après un constat d’échec de ses missions de paix. Particulièrement au Rwanda et en RDC.
Autre signe avant-coureur de l’aggravation de la situation est cette décision du gouvernement rwandais d’appliquer la «clause de cessation des réfugiés rwandais» à partir du 31 décembre 2011. Les Rwandais qui n’auront pas regagné leur pays deviendront des «apatrides». A la suite de premières réactions, surtout en RDC, cet ultimatum aurait été repoussé jusqu’au 30 juin 2012.
Au Burundi, l’on reparle de la menace de la guerre civile avec l’attaque du 18 septembre à Gatumba. Dans la capitale, Bujumbura, le Burundais Agathon Rwasa est accusé d’être à la base de ce crime ont refait surface au Burundi.
C’est en ces instants précis que l’on signale la présence des «Shebab» dans la région des Grands Lacs. Une interconnexion avec les FDLR, la LRA et le FNL/Agathon Rwasa replongerait la sous-région dans une insécurité totale. Avec la situation précaire qui prévaut dans l’Est de la RDC, l’on craint fort que les Congolais paient encore la lourde facture. Seraient-ce les infiltrations dont ont fait état des rumeurs dans la partie Est ?
Il est temps que le gouvernement congolais prenne des mesures qui s’imposent. Si des pays comme les Etats-Unis, des organisations régionales à l’image de la CIRGL viennent de tirer la sonnette d’alarme, l’organisation des élections en RDC pourrait servir de déclic à la concrétisation des plans funestes si jamais elles ne se déroulaient pas sous un climat apaisé sur fond d’un scrutin crédible et fiable. La classe politique aura trahi la nation si elle portait le chapeau de la déflagration.
ENTRE SOLUTION MILITAIRE ET POLITIQUE
Quoique l’on dise, les observateurs avertis sont désormais unanimes que la CIRGL a échoué. En effet, lors du diagnostic élaboré et qui a sous-tendu à la création de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, des maux suivants ont été constatés : l’absence de démocratie, la montée en puissance de l’éthnicisme, le pouvoir de domination doublé de l’expansionnisme et les rivalités religieuses.
Ce qui a conduit au choix des thèmes directeurs ci-après : Paix, sécurité et stabilité ; Bonne gouvernance et démocratie ; Intégration régionale et croissance économique, enfin Promotion sociale. Quel est alors le résultat de cinq ans de travail après la mise en place du Secrétariat exécutif de la CIRGL ? Apparemment rien. Sinon, on ne comprendrait pas pourquoi cette tendance à imposer une «solution militaire» en lieu et place d’une «solution politique» avec le diagnostic établi. Comme si on voudrait éterniser le conflit.
Si cette approche politique a réussi en RDC, et que le Burundi était déjà engagé sur la bonne voie, pourquoi a-t-on fait exception du Rwanda et de l’Ouganda ? A-t-on oublié que la situation dans la sous-région, c’est un peu comme pour des vases communicants ? L’on a perdu tout cela de vue. Washington brandit maintenant une solution militaire que vient d’approuver le Burundi, oubliant que cette même approche militaire n’a jamais réussi à déloger les FDLR et la LRA. A moins qu’il y ait des agendas cachés. Ce qui n’étonnerait personne à voir comment la Communauté internationale gère avec inefficacité les missions de paix dans les Grands Lacs africains.
Certes, le Pacte de non agression et défense mutuelle existe. Mais l’insécurité subsiste tant en RDC, au Rwanda qu’au Burundi, sans oublier l’Ouganda, pays pour lesquels cette conférence a été instituée. En plus, aucun projet intégrateur n’a été mis en exécution et les «Amis des Grands Lacs», frappés par la crise financière internationale, ont désormais la tête ailleurs et pas du tout le cœur à l’ouvrage.
Voilà qu’aujourd’hui, surgit dans le fond des Grands Lacs, comme ce «monstre des mers», ce spectre d’insécurité grandissante : les «Shebab». Le risque de servir de tremplin au terrorisme international est grand, l’équation est en train de se compliquer.
La crainte, c’est de voir la RDC subir les décisions qui pourraient être prises ailleurs, suite à «son incapacité d’anticiper les actions criminelles, de faire preuve de volonté politique, de bonne gouvernance pour combattre les forces négatives». Le temps d’observation est justement ces élections 2011. Elles décideront de l’avenir de la République démocratique du Congo. Question de compter ou pas avec elle tant le «terrorisme international» est déjà dans la région des Grands Lacs à partir des attentats de Nairobi et Dar es-Salaam. Dans l’hypothèse d’une élection ratée en 2011, la balkanisation serait, une fois de plus, le prix à payer dans cette hérésie de mieux combattre ce terrorisme international.
Qui a dit que la RDC se trouve devant un choix impérieux : vivre ou disparaître ?
Par Le Potentiel
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