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mercredi 23 novembre 2011

RDC: Gagner sa place au parlement, un très bon plan financier

18.555 candidats se disputent les 500 sièges que compte le parlement congolais. Pourquoi une telle passion?

Meetings, caravanes motorisées, affichettes sur les murs et calicots plantés çà et là, à chacun sa recette pour séduire les électeurs. Aucun budget officiel n’étant alloué aux candidats, chacun se débrouille avec les moyens du bord pour financer sa campagne. Si les parlementaires sortants bénéficient de la rente accumulée tout au long de la législature actuelle, les nouveaux venus font appel à la solidarité familiale. Pour nombre d’entre eux, l’entrée au parlement est tout simplement une question de survie.

Salaire et avantages: première motivation des candidats

Voter des lois susceptibles d’améliorer les conditions de vie des Congolais est loin d’être la principale motivation des challengers. Les parlementaires sont les enfants gâtés d’un Congo qui ne compte plus ses chômeurs et dont les rares travailleurs peinent à vivre décemment de leurs salaires. Les honorables députés comme on les appelle localement, comptent parmi les rares congolais à ne pas connaitre les retards dans le versement de leurs salaires. En plus de 4x4 flambants neufs, ils se sont octroyés de généreux émoluments et de nombreux avantages qui font rêver tout un peuple. Le fossé est en effet énorme entre les 6000 dollars américains mensuels [environ 4500 euros] et les 208 dollars américains [environ 155 euros] minimum que réclament les fonctionnaires congolais depuis 2004.
Agents de la fonction publique, enseignants, médecins, artistes et commerçants se bousculent désormais devant les portes de l’assemblée pour tenter de se tailler une place au chaud et profiter eux-aussi des nombreux privilèges qu’offre la fonction de parlementaire. « Même le catcheur Edingwe a candidaté pour un poste de député », s’exclame Rémy-Césaire Tshamala. Ce jeune journaliste congolais s’étonne du nombre de musiciens congolais qui se tournent désormais vers la politique. « Le marché de la musique n’est pas épargné par la crise que connaît la RDC depuis de nombreuses années. Le Congolais moyen n’est plus capable d’acheter un disque ou de payer une place de concert. Les artistes se tournent désormais vers la politique. Ils veulent tout simplement s’assurer un salaire conséquent et régulier », ajoute-t-il.

Programme politique VS cadeaux

A Kinshasa, les électeurs de la circonscription électorale de la Tshangu auront 3 minutes pour choisir parmi 1584 candidats, sur un bulletin de vote d’une longueur record de 56 pages. Difficile donc de sortir du lot dans cette marre à crocodiles où tous les coups sont permis. Les beaux discours ne suffisent pas. Il faut “motiver les électeurs”. Les candidats en lice n’hésitent pas à distribuer billets de banque et cadeaux en nature en amont des meetings et autres rassemblements politiques. Draine des foules celui qui se montre le plus généreux.
Loin d’être dupes, les électeurs congolais savent tirer leur épingle du jeu. Dans les quartiers populaires de Kinshasa et des principales villes du pays, les jeunes s’organisent désormais en “comités”. Une sorte d’armée de mercenaires prêts à applaudir pour le mieux-offrant.
« Lorsqu’un candidat vient solliciter notre présence dans une caravane motorisée ou pour remplir un stade lors d’un meeting, il nous donne des tee-shirts, des casiers de bière et de l’argent liquide... Nous encaissons et allons gonfler les rangs de ses partisans », raconte Mbala Ronald, un jeune chômeur résidant dans la commune de Bandalungwa à Kinshasa. « Le lendemain si son adversaire se pointe, nous acceptons d’aller l’ovationner à son tour. Ils ont de l’argent à dépenser et pour le chômeur que je suis, c’est une aubaine. Mais je sais très bien que je serai seul dans l’isoloir pour voter pour le candidat en qui j’ai réellement confiance », renchérit-il.

Difficile campagne

La campagne électorale fait également l’affaire des médias locaux, qui monnaient au prix fort les espaces médiatiques. Une page entière dans un journal se négocie autour de 400 dollars [environ 290 euros], contre 100 dollars américains [73 euros] en temps normal. Hausse également observée à la télévision. Il faut désormais débourser jusqu’à 5000 dollars américains [3600 euros] au lieu des 1000 dollars [750 dollars] habituellement exigés pour une diffusion trois fois par jour d’un spot publicitaire.
Difficile campagne donc pour ceux qui n’ont pas de quoi payer. Une réalité qui écarte certains candidats porteurs de projets intéressants, mais qui n’auront aucune chance de les exposer, par manque de moyens.
Les futurs parlementaires se rapprocheront-ils des préoccupations du peuple ou penseront-ils exclusivement à leurs avantages? La question mérite d’être posée quand on sait que bon nombre de textes attendus de cette législature restent rangés dans les placards poussiéreux du palais du peuple.
Exemple éloquent, celui du texte sur la décentralisation. Placée au centre des débats politiques et parmi les priorités de l’actuel parlement, avant son installation en 2006, ce texte a tout simplement été déclassé. Il aura pourtant fallu moins d’un mois pour valider le changement du mode de scrutin qui est passé de deux à un seul tour pour les présidentielles, assurant une réélection plus facile du candidat en place et candidat à sa propre succession.
En attendant le jour du scrutin, chaque candidat aiguise ses armes pour se donner toutes les chances de gagner à la loterie électorale. Si certains sollicitent l’aide des féticheurs, d’autres se tournent vers les nombreuses églises évangéliques pour prier, dans l’espoir qu’un miracle se produise. Objectif final: le titre d’honorable et un salaire régulier.

Cedric Kalonji
© SlateAfrique

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