(Le Potentiel 27/12/2012) Que le roi Albert II soit sensible aux souffrances du peuple congolais et qu’il admire le Dr Mukwege, qui soigne les femmes du Kivu victimes de violences sexuelles, ne représente pas une grande surprise. A plusieurs reprises, le roi des Belges avait déjà exprimé son intérêt personnel pour le Congo et rappelé discrètement aux Belges à quel point ce pays fait partie de son histoire et de son devoir de solidarité.Mais cette fois, dans un discours que d’aucuns présentent déjà comme l’un des derniers du genre, le souverain va plus loin : il assure que « l’intégrité du Congo n’est pas respectée ». En termes soigneusement pesés, -qui ont reçu l’aval du gouvernement-, le roi, qui est aussi le lointain descendant de Léopold II qui fonda le Congo dans ses frontières actuelles, défend ainsi l’intégrité territoriale de notre ancienne colonie et donc sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire.
Ne serait-ce pas une évidence ? Des menaces pèseraient elles, une fois encore, sur l’unité du Congo, sur le droit qu’ont ses populations, diverses mais unies, à bénéficier au premier chef de ressources immenses et convoitées ?
Force est de constater que l’inquiétude d’Albert II se fonde sur des faits réels : la nouvelle guerre qui a éclaté au Nord Kivu au printemps dernier ne représente pas une simple « mutinerie » de militaires rwandophones refusant d’être affectés dans d’autres provinces ou récusant le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale à l’encontre de certains officiers, dont le général Bosco Ntaganda.
Au fil des mois, des évidences se sont fait jour. Les « mutins » dont le nombre ne dépassait guère les 800 hommes au départ, ont été renforcés par des éléments neufs, des hommes en grande partie recrutés au Rwanda ou appartenant aux forces armées rwandaises. Ces troupes, bien pourvues en armements, munitions et combattants aguerris, se sont emparées de la ville de Goma, humiliant autant l’armée congolaise que la force des Nations unies, et n’ont consenti à évacuer la capitale du Nord Kivu que moyennant l’ouverture de négociations à Kampala, le président ougandais Museveni, allié au Rwanda, étant curieusement présenté comme un médiateur.
A Kampala, les négociations, qui doivent reprendre début janvier, dépassent de loin les revendications initiales. Le « M23 » s’est doté d’une représentation politique, dirigée par le pasteur Buniga, il tente de séduire l’opposition congolaise en reprenant certaines de ses revendications, il met en cause la légitimité du président Kabila tandis que ses hommes, qui n’ont pas quitté la périphérie de Goma, multiplient agressions et actes de déstabilisation, afin de démontrer que les autorités de Kinshasa ne contrôlent guère la situation et qu’il vaudrait donc mieux pour elles que Kinshasa passe la main.
Du reste, les porte paroles des rebelles ont été jusqu’à exiger l’administration de Goma et réclamer le départ du gouverneur de la province du Nord Kivu, Justin Paluku, comme si ce dernier, même si sa gestion peut être critiquée, n’avait pas été élu par l’Assemblée provinciale ! Comble du cynisme : alors que les troupes du M23, à Goma, ont volé les voitures, pillé les administrations, attaqué les banques, emporté les équipements de la commission électorale et que, dans la province, ils ont provoqué l’exode de centaines de milliers de déplacés, recruté des enfants soldats et multiplié les viols, les porte parole politiques du mouvement exigent à Kampala des garanties de « bonne gouvernance » !
Steve Hege, qui a dirigé le groupe des experts chargé de déterminer si le M23 avait ou non bénéficié de soutiens extérieurs, a publié trois rapports accablants, démontrant avec témoignages, photos, graphiques, chiffres, combien le Rwanda soutenait et téléguidait le mouvement rebelle. Persistant dans ses dénégations, Kigali a insulté et dénigré Steve Hege, nié les évidences. Sans réussir cependant à convaincre des pays qui furent ses principaux alliés, les Britanniques, qui assurent disposer de nombreuses preuves en plus des rapports des experts, et surtout les Américains, à tel point que le président Obama téléphona lui-même à Paul Kagame pour le dissuader d’encore soutenir le M23 !
Analyste pointu, Steve Hege a témoigné devant le Congrès américain et pulvérisé toutes les raisons « objectives » qui auraient pu amener le Rwanda à intervenir au Congo : protection des Tutsis rwandophones, traque des combattants hutus génocidaires, maintien d’une administration parallèle, contrôle des régions minières. Tous ces atouts, observe-t-il, le Rwanda en jouissait déjà avant le début de la guerre et aurait aisément pu les préserver…
Pourquoi alors une telle obstination, qui risque même de priver Kigali d’une partie de l’aide internationale dont le développement du pays a tant besoin ?
La conclusion de l’analyste américain rejoint l’inquiétude du roi des Belges. Pour lui, « l’implication du Rwanda et son orchestration de la rébellion du M23 devient plus compréhensible lorsqu’elle est comprise comme un vecteur déterminé et calculé pour frayer un chemin à la création d’un Etat fédéral autonome dans l’Est du Congo. » Et de citer l’exemple du Sud Soudan, qui a finalement choisi de se détacher définitivement de Khartoum…
Autrement dit, l’objectif réel de la rébellion et de ses commanditaires serait d’aboutir, tôt ou tard, à un Etat autonome du « Congo oriental », lié à l’Afrique de l’ Est et à ses voisins, et par conséquent délié d’un Etat central présenté comme gourmand, inefficient voire illégitime…
Un tel fédéralisme, imposé de l’extérieur, ouvrirait ainsi la voie à la désintégration du Congo. Un pays qu’ à la fin du 19ème siècle déjà, d’aucuns jugeaient trop vaste et surtout trop riche pour être administré par le seul roi Léopold II puis par la petite Belgique.
Un pays qui, au lendemain de son indépendance, fut miné par les rébellions et les tentatives de sécession. Un pays dont l’intégrité territoriale et la souveraineté sont aujourd’hui défendues par le roi Albert II, au nom de l’histoire, au nom surtout des populations congolaises qui ont toujours démontré qu’elles refusaient le démembrement de leur héritage…
Le Carnet de Colette Braeckman
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Ne serait-ce pas une évidence ? Des menaces pèseraient elles, une fois encore, sur l’unité du Congo, sur le droit qu’ont ses populations, diverses mais unies, à bénéficier au premier chef de ressources immenses et convoitées ?
Force est de constater que l’inquiétude d’Albert II se fonde sur des faits réels : la nouvelle guerre qui a éclaté au Nord Kivu au printemps dernier ne représente pas une simple « mutinerie » de militaires rwandophones refusant d’être affectés dans d’autres provinces ou récusant le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale à l’encontre de certains officiers, dont le général Bosco Ntaganda.
Au fil des mois, des évidences se sont fait jour. Les « mutins » dont le nombre ne dépassait guère les 800 hommes au départ, ont été renforcés par des éléments neufs, des hommes en grande partie recrutés au Rwanda ou appartenant aux forces armées rwandaises. Ces troupes, bien pourvues en armements, munitions et combattants aguerris, se sont emparées de la ville de Goma, humiliant autant l’armée congolaise que la force des Nations unies, et n’ont consenti à évacuer la capitale du Nord Kivu que moyennant l’ouverture de négociations à Kampala, le président ougandais Museveni, allié au Rwanda, étant curieusement présenté comme un médiateur.
A Kampala, les négociations, qui doivent reprendre début janvier, dépassent de loin les revendications initiales. Le « M23 » s’est doté d’une représentation politique, dirigée par le pasteur Buniga, il tente de séduire l’opposition congolaise en reprenant certaines de ses revendications, il met en cause la légitimité du président Kabila tandis que ses hommes, qui n’ont pas quitté la périphérie de Goma, multiplient agressions et actes de déstabilisation, afin de démontrer que les autorités de Kinshasa ne contrôlent guère la situation et qu’il vaudrait donc mieux pour elles que Kinshasa passe la main.
Du reste, les porte paroles des rebelles ont été jusqu’à exiger l’administration de Goma et réclamer le départ du gouverneur de la province du Nord Kivu, Justin Paluku, comme si ce dernier, même si sa gestion peut être critiquée, n’avait pas été élu par l’Assemblée provinciale ! Comble du cynisme : alors que les troupes du M23, à Goma, ont volé les voitures, pillé les administrations, attaqué les banques, emporté les équipements de la commission électorale et que, dans la province, ils ont provoqué l’exode de centaines de milliers de déplacés, recruté des enfants soldats et multiplié les viols, les porte parole politiques du mouvement exigent à Kampala des garanties de « bonne gouvernance » !
Steve Hege, qui a dirigé le groupe des experts chargé de déterminer si le M23 avait ou non bénéficié de soutiens extérieurs, a publié trois rapports accablants, démontrant avec témoignages, photos, graphiques, chiffres, combien le Rwanda soutenait et téléguidait le mouvement rebelle. Persistant dans ses dénégations, Kigali a insulté et dénigré Steve Hege, nié les évidences. Sans réussir cependant à convaincre des pays qui furent ses principaux alliés, les Britanniques, qui assurent disposer de nombreuses preuves en plus des rapports des experts, et surtout les Américains, à tel point que le président Obama téléphona lui-même à Paul Kagame pour le dissuader d’encore soutenir le M23 !
Analyste pointu, Steve Hege a témoigné devant le Congrès américain et pulvérisé toutes les raisons « objectives » qui auraient pu amener le Rwanda à intervenir au Congo : protection des Tutsis rwandophones, traque des combattants hutus génocidaires, maintien d’une administration parallèle, contrôle des régions minières. Tous ces atouts, observe-t-il, le Rwanda en jouissait déjà avant le début de la guerre et aurait aisément pu les préserver…
Pourquoi alors une telle obstination, qui risque même de priver Kigali d’une partie de l’aide internationale dont le développement du pays a tant besoin ?
La conclusion de l’analyste américain rejoint l’inquiétude du roi des Belges. Pour lui, « l’implication du Rwanda et son orchestration de la rébellion du M23 devient plus compréhensible lorsqu’elle est comprise comme un vecteur déterminé et calculé pour frayer un chemin à la création d’un Etat fédéral autonome dans l’Est du Congo. » Et de citer l’exemple du Sud Soudan, qui a finalement choisi de se détacher définitivement de Khartoum…
Autrement dit, l’objectif réel de la rébellion et de ses commanditaires serait d’aboutir, tôt ou tard, à un Etat autonome du « Congo oriental », lié à l’Afrique de l’ Est et à ses voisins, et par conséquent délié d’un Etat central présenté comme gourmand, inefficient voire illégitime…
Un tel fédéralisme, imposé de l’extérieur, ouvrirait ainsi la voie à la désintégration du Congo. Un pays qu’ à la fin du 19ème siècle déjà, d’aucuns jugeaient trop vaste et surtout trop riche pour être administré par le seul roi Léopold II puis par la petite Belgique.
Un pays qui, au lendemain de son indépendance, fut miné par les rébellions et les tentatives de sécession. Un pays dont l’intégrité territoriale et la souveraineté sont aujourd’hui défendues par le roi Albert II, au nom de l’histoire, au nom surtout des populations congolaises qui ont toujours démontré qu’elles refusaient le démembrement de leur héritage…
Le Carnet de Colette Braeckman
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