(Le JDD.fr 27/12/2012)
DECRYPTAGE – La communauté internationale doit mettre fin à "l'horreur" qui touche la région du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo : tel est le message d'une tribune parue dans Le Monde, signée notamment par Jacques Chirac et Valérie Trierweiler. Dans ce conflit chronique, l'ONU reste pour l'heure impuissante et ses principaux acteurs impunis. Explications.
La mission de l'ONU en question
Dans une tribune publiée dans Le Monde daté de mardi, une vingtaine de personnalités - parmi lesquelles Jacques Chirac, Valérie Trierweiler et la ministre de la Francophonie Yamina Benguigui - affirme qu'il suffirait à la communauté internationale de "donner l'ordre aux 17.000 soldats" de la Monusco - la mission de l'organisation des Nations unies en République démocratique du Congo - pour mettre un terme au "drame" qui a lieu dans la région du Kivu, à l'Est du pays. Or, cette mission n'intervient pas, "faute d'application réelle de son mandat", écrivent les auteurs de cette tribune.
La mission de l'ancienne Monuc, rebaptisée Monusco, est définie par la résolution 1925 du Conseil de Sécurité des Nations unies, adoptée le 1er juillet 2010. Celle-ci permet principalement de "garantir la protection des civils" en République démocratique du Congo, et particulièrement dans la région du Kivu. Une mission qui reste toutefois "trop passive", comme l'explique au JDD.fr Makita Kasongo, spécialiste de la région. En effet, dans le cas d'une offensive des rebelles dans le Nord-Kivu, comme ce fut le cas en novembre dernier, l'action des forces de l'ONU reste très limitée. "Pour que cette mission soit efficace, il faudrait une redéfinition plus précise de son mandat, qui ne se contenterait pas d'être dans la gestion du conflit mais bien dans la résolution de la crise", indique le docteur en science politique. Pour l'heure, la rébellion - qui s'est retirée le 1er décembre de la capitale de la province, Goma - reste campée à 20km de la ville et menace toujours. Les exactions contre la population se poursuivent quotidiennement.
La communauté internationale fébrile
Peu impliqué sur cette question, le Conseil de Sécurité de l'ONU reste pour l'heure muet. "Les grandes puissances sont peu engagées pour ce genre d'opération, c'est le cas surtout pour les Etats-Unis, membre permanent de l'instance onusienne, ou encore de l'Inde et du Pakistan", relève Makita Kasongo, pour qui la faible exposition médiatique de ce conflit fait également le jeu des rebelles. "C'est un conflit occulté, plus qu'oublié, car on le sait présent mais on n'en parle pas", affirme le spécialiste. Le génocide du Rwanda, en 1994, a laissé de profondes séquelles dans la région, entraînant par la suite les deux guerres du Congo (1996-1998, 1998-2003) et la guerre du Kivu (2004-2009), et une situation diplomatique aujourd'hui encore très sensible.
Au final, le manque d'action coercitive facilite la crise du Nord-Kivu. "Il y a une forme d'impunité qui se greffe à l'impuissance de la Monusco, ce qui fait perdurer cette situation", indique Makita Kasongo. Selon lui, il n'y aura pas de sortie de crise "sans un engagement net de la communauté internationale". La dernière offensive des rebelles du M23, mouvement composé de mutins de l'armée congolaise, a toutefois fait bouger un peu les lignes. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est "personnellement engagé" dans cette crise et travaille sur un plan qui créerait une unité d'intervention rapide de 2.000 soldats africains. Cette force viendrait compléter la Monusco et pourrait permettre de stabiliser la région.
Des voisins juges et parties
Dans cette province, le contrôle des ressources minières (coltan, cuivre, or…) est au cœur du conflit. Aussi, le rôle des pays voisins de la région, comme le Rwanda et l'Ouganda, est double. Le Rwanda, qui chercherait à maintenir son accès aux ressources du Nord-Kivu, dont il est exportateur, est directement accusé par Kinshasa et la communauté internationale de soutenir le M23 en lui fournissant armes et argent. "Le M23 n'est pas puissant en soi, mais il est régulièrement grossi d'éléments des armées rwandaise, burundaise et ougandaise et mieux équipé que la force nationale congolaise", assure Makita Kasongo, qui rappelle toutefois que "la Monusco a indiqué ne pas disposer de preuves matérielles" accusant formellement le Rwanda.
L'Ouganda a lui aussi ses propres intérêts dans la région. Et pourtant, depuis le début du mois de décembre, il assure la médiation du conflit en accueillant dans sa capitale Kampala les représentants de la rébellion du M23 et du gouvernement de Kinshasa, qui ont entamé des négociations pour parvenir à un cessez-le-feu. Des discussions ajournées à janvier. "Comment le gouvernement congolais a pu accepter une médiation menée par un acteur qui est partie prenante dans ce conflit?", s'interroge Makita Kasongo, qui précise que l'Ouganda est aujourd'hui "appuyé par la communauté internationale pour participer à ce double-jeu".
Pour le spécialiste, les pourparlers de Kampala ne pourront déboucher sur aucune solution concrète pour la région. En revanche, l'issue du conflit dépendra davantage de la volonté des acteurs de la région à s'engager sur des principes, comme celui de non-ingérence. Mais le docteur en science politique prévient : "Il existe peu de chances d'y arriver sans une pression plus forte de la communauté internationale." Sans cela, le Nord-Kivu aura de grandes difficultés pour mettre un terme à son instabilité chronique.
Arnaud Focraud - leJDD.fr
mercredi 26 décembre 2012
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