(Le Pays 20/12/2011)
Etienne Tshisekedi est décidé à ne pas se laisser conter fleurette. Suite à la validation des résultats de la dernière présidentielle par la Cour suprême, donnant Joseph Kabila vainqueur, il s’est autoproclamé président élu et a annoncé son investiture pour le vendredi prochain. Il y a donc, en République démocratique du Congo, deux chefs d’Etat qui comptent chacun prêter serment dans les prochains jours. Décidément, le bicéphalisme au sommet de l’Etat est devenu une maladie postélectorale sous nos tropiques. C’est dans l’air du temps. On aura en effet déjà vu ce cas de figure en Côte d’Ivoire et dans une moindre mesure, au Gabon.
C’est une fois de plus la preuve que sous nos cieux, on n’a pas encore intégré le fait que les élections ne suffisent pas à elles seules pour bâtir la paix. En d’autres termes, il ne suffit pas d’organiser des élections dans un pays. Il est impérieux qu’elles soient sérieuses et honnêtes. A défaut, ces consultations deviennent de simples mises en scène pour paraître, des gouffres financiers pour les pays, du reste condamnés à quémander des milliards de francs nécessaires à leur organisation. Au bout, ce folklore entraîne invariablement la violence. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’élection présidentielle en République démocratique du Congo n’a pas brillé par la qualité de son organisation et la transparence dans les votes et le décompte des voix. Et ce qui devait arriver arriva : les nuages s’amoncellent sur le pays. C’est une veillée d’armes. En s’autoproclamant élu et en appelant à l’arrestation de Kabila, Tshisekedi fait un pari fort risqué. Dans un pays où on gouverne à la force de la baïonnette depuis de longues années, on imagine aisément que le pouvoir ne ménagera aucun effort pour étouffer la contestation. En tout cas, il y a fort à parier que Kabila ne laissera pas faire son rival. Il faut dire que contrairement à Alassane Ouattara, en Côte d’Ivoire, Tshisekedi n’a pas, du moins officiellement, d’armée à sa disposition pour tenir la dragée haute aux troupes que ne manquera pas de lui opposer son adversaire. Mais le vieil opposant ne s’adosse peut-être pas au vide et a certainement ses soutiens. La situation est fluctuante et on ne sait jamais avec certitude ce qui peut arriver au sein de la grande muette de ce pays qui connait déjà, comme on le sait, des poches de rébellion contre le pouvoir.
Tshisekedi n’a pas été non plus proclamé élu par la Commission électorale et ne bénéficie pas du soutien sans équivoque de l’ensemble de la communauté internationale. S’il est vrai que Kabila a essuyé quelques revers diplomatiques suite à cette élection contestée, en témoigne la décision des autorités de la Belgique, ancienne puissance coloniale de la RD Congo, de ne pas se rendre à son investiture, les condamnations des puissances occidentales ne sont cependant pas fermes. Au regard des réserves émises par les observateurs étrangers sur la qualité du scrutin, des nombreuses irrégularités qu’ils ont relevées, on ne peut pas dire avec certitude que le vieil opposant congolais est un mauvais perdant. Car, rien ne prouve de façon irréfutable qu’il a vraiment perdu ces élections.
Tant que la transparence et la sincérité manquent dans un scrutin, celui-ci accouche de résultats objectivement douteux et porteurs de germes de violence. Il faut dire que le régime Kabila a eu des attitudes qui suscitent le doute quant à sa volonté de réussir des élections apaisées et fiables. On a souvenance qu’il a ramené le scrutin à un seul tour, tirant peut-être exemple de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, et a refusé la certification des résultats par les Nations unies. Dans ces conditions, difficile de ne pas penser que le scénario actuel a été savamment concocté par les ténors du régime en place, convaincus que l’essentiel, c’est d’être proclamé vainqueur par les instances électorales, que cela soit légitime ou non. Ce n’est donc pas étonnant que les résultats donnés n’inspirent pas confiance. En tout cas, Tshisekedi est convaincu qu’on lui a volé sa victoire, et compte tenu du fait que la crédibilité de la Commission électorale et de la Cour suprême est sujette à caution, il est difficile de s’attendre à ce que lui et ses partisans se rangent docilement.
Reste à savoir jusqu’où ils sont prêts à aller pour défendre ce qu’ils considèrent comme leur victoire et ce que la communauté internationale compte faire pour apaiser le feu qui couve dans le pays. Si rien n’est fait rapidement et si on reste dans la logique de ce bras de fer, il y a deux cas de figure : soit Kabila arrive à museler les contestataires par les armes, soit la situation lui échappe et tout peut arriver. Toujours est-il que l’on s’attend, hélas une fois de plus, à des lendemains pleins d’incertitudes en RD Congo.
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