«Kabila a prêté serment devant les militaires, Tshisekedi va prêter serment devant le peuple»: des centaines de partisans d'Étienne Tshisekedi ont tenté vendredi d'entrer au stade des Martyrs à Kinshasa où l'opposant, perdant de la présidentielle en RDC, voulait être investi.
En vain: autour de l'imposante enceinte de 80 000 places, des groupes mobiles de policiers équipés de lance-grenades lacrymogènes, de flashball et de matraques, font la chasse aux manifestants, dispersant toute velléité de rassemblement.
Chargé de policiers en tenue anti-émeute, un pick-up pile dans une ruelle: deux hommes tirent des grenades lacrymogènes en direction d'un groupe, tandis que les autres sautent du véhicule et courent vers un homme qui les huait. Il est aussitôt jeté au sol et arrêté.
Des dizaines d'arrestations ont ainsi lieu dans les rues autour du stade. Le matin les autorités avaient interdit tout rassemblement et manifestation à Kinshasa, dénonçant d'avance tout acte de «subversion» alors que Joseph Kabila, officiellement réélu à l'issu d'un scrutin entaché de nombreuses irrégularités, a été investi président et a prêté serment mardi à Kinshasa.
«Ils ont incité les gens à la révolte, on leur a demandé de vaquer à leurs occupations, mais ils n'ont pas voulu obéir», explique un policier, en montrant huit jeunes hommes accroupis, qui attendent d'être emmenés au poste.
Face au dispositif policier, qui comprend un canon à eau très dissuasif: des manifestants craignent qu'il contienne de l'eau bouillante, et est renforcé aux abords immédiats du stade par des éléments de la redoutée Garde républicaine, appuyée par quatre chars, les partisans d'Étienne Tshisekedi semblent impuissants.
«Ils nous terrorisent», pleure de rage un adolescent, le visage barbouillé de beurre pour se protéger des gaz lacrymogènes. Chassés d'une rue, les manifestants se dispersent puis reviennent par une autre, jouant au chat et à la souris avec les forces de l'ordre.
«Nous ne voulons pas de Kabila, c'est un étranger. Il tue des Congolais chaque jour. Le président légitime c'est Étienne Tshisekedi, c'est pour lui que nous avons voté, c'est lui qui doit diriger le pays», réclame l'adolescent.
Quelques jets de pierre répondent parfois aux gaz, mais il n'y a pas d'affrontements directs.
«Regardez, ils ont déployé des chars de combat. Pour faire quoi? Qu'ils les envoient dans l'est (du pays) où il y a la guerre. Ils doivent nous laisser protester pacifiquement. Si ça continue, on va aussi appliquer la force», menace toutefois un opposant refoulé par les cordons de sécurité autour du stade.
Mais la plupart des manifestants sont conscients de leurs limites.
«On essaie de se mobiliser comme on peut, mais ils nous répriment tout de suite. On va tenter de rester là le plus longtemps possible, à défendre notre droit constitutionnel de manifester face aux intimidations», témoigne Julio Masuku, militant d'une association de défense des droits de l'homme.
«La volonté du peuple s'est exprimée à travers les élections, mais j'ai vu comment on a volé les voix dans les urnes. Nous sommes ramenés des années en arrière alors que nous voulons simplement vivre dans un État de droit», ajoute-t-il.
«On n'a pas besoin de Tshisekedi. Mais que Kabila nous laisse tranquille, qu'il nous donne de l'argent. Nous souffrons ici! On ne mange pas bien», proteste un homme au volant de sa voiture.
La RDC a éjà un président
«Il n'y a pas de manifestation, elle est interdite. Il y a déjà un président élu qui a prêté serment. On ne peut pas prêter serment à nouveau, c'est un acte de subversion. On doit empêcher de poser cet acte contraire à la Constitution», a déclaré à l'AFP une source proche du chef de la police congolaise.
Les forces de l'ordre ont rapidement bouclé le quartier Limete, dans l'est de la capitale, où M. Tshisekedi a sa maison non loin du siège de son parti, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
Les journalistes ont été interdits d'approcher de la résidence de l'opposant, où il pourrait finalement «prêter serment».
Le carton d'invitation officielle pour la «cérémonie de prestation de serment du président élu» M. Tshisekedi, titré «Présidence de la République, protocole d'État», donnait un programme détaillé du déroulement de la matinée, avec notamment l'arrivée minutée des «officiers supérieurs militaires et la police nationale», «des hauts magistrats», «des ambassadeurs» ou encore «des présidents et délégations de pays frères et amis».
L'opposant de 79 ans s'est autoproclamé «président élu» après avoir rejeté les résultats de l'élection présidentielle à un tour du 28 novembre, entachée de nombreuses irrégularités dénoncées notamment par des missions d'observation et plusieurs pays.
Le président sortant Joseph Kabila a officiellement été réélu avec 48,95% des suffrages, contre 32,33% à son rival, arrivé second devant neuf autres candidats.
Le chef de l'État a été proclamé réélu pour un second quinquennat par la Cour suprême de justice.
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