(Direct.cd 04/04/2013)
Les prochains jours promettent d’être chauds. Le M23 a dit
sa détermination à vendre chèrement sa peau, estimant que la résolution portant
déploiement d’une brigade spéciale d’intervention dans l’Est de la RDC pour
traquer les forces négatives équivaudrait à une déclaration de guerre de la part
des Nations unies. Toutefois, Kinshasa persiste et signe qu’il est temps pour le
M23 de « cesser d’exister ». Autrement dit, il est hors de question de reprendre
le chemin de la capitale ougandaise. Triste fin pour des concertations qui
tendaient à blanchir des criminels indexés par la communauté
internationale.
Les pourparlers de Kampala, engagés il y a plus de trois
mois entre Kinshasa et le M23, n’ont pas su résister à l’épreuve du temps. On
les savait déjà hypothéqués dès le départ, mais leur déconfiture est arrivée
avec la publication récente de la résolution 2098 du Conseil de sécurité.
Celle-ci est venue confirmer les clauses de l’accord-cadre signé le 24 février
2013 à Addis-Abeba pour résoudre la crise en RDC.
La surprise est venue
du côté de Kinshasa. Contre toute attente, celui-ci a fait un revirement à 180°
en clamant tout haut qu’il était temps que le M23 cesse d’exister. En clair, le
gouvernement a obstrué le chemin vers Kampala et, par la même occasion, bouclé
des pourparlers qui tombaient caducs du fait du déploiement imminent de la force
spéciale ayant, entre autres, missions de traquer et neutraliser tous les
groupes armés répertoriés comme forces négatives en RDC et dans les Grands Lacs.
A en croire, les officiels congolais, l’espoir de mettre fin à la spirale de
violence dans l’Est se profilerait déjà à l’horizon.
La vérité c’est que
Kinshasa s’est retenu à dévoiler clairement sa position par rapport au dialogue
de Kampala jusqu’à l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies de la
Résolution 2098. Une belle opportunité pour tourner définitivement la page M23.
A Kinshasa, tout comme dans la capitale ougandaise, la fin des pourparlers ne
fait plus l’ombre d’aucun doute.
Le lundi 1er avril 2013, Raymond
Tshibanda et Lambert Mende, respectivement chef de la diplomatie congolaise et
porte-parole du gouvernement, ont solennellement, devant la presse, invité le
M23 à « cesser d’exister comme un mouvement polico-militaire ». Pourquoi ?
Raymond Tshibanda répond : « Le M23 peut s’agiter autant qu’il veut. Nous étions
disposés à arriver à un accord politique avec eux. Il n’est plus question de
recycler les spécialistes de la rébellion dans les rangs des Forces armées. Le
seul avenir pour le M23, c’est de cesser d’exister comme mouvement
politico-militaire. Si tel n’est pas le cas, la brigade [d’intervention de la
Monusco] s’occupera à mettre fin à son existence ».
Rien n’est encore
joué
Présenté de la même manière dans un passé récent comme un partenaire
au dialogue en vue d’une sortie apaisée de la crise dans l’Est de la RDC, il
faut craindre que le M23 ne se reconstitue dans la perspective de la reprise des
hostilités sur le front de l’Est du pays. Il disposerait de centaines d’hommes
de troupe et d’un armement que la Monusco avait, lors de la prise de Goma,
qualifié de sophistiqué. En plus, et c’est là que le gouvernement est attendu au
tournant, le M23 a sous son contrôle des territoires du Nord-Kivu.
La
partie se montre dure à jouer. Le M23 a fait part de sa désapprobation
relativement au déploiement de la force spéciale d’intervention décidée par le
Conseil de sécurité. Ce groupe armé pro rwandais sait désormais que les carottes
sont cuites pour lui dans la mesure où les roues de cette force spéciale ne
pourraient pas l’épargner.
Dans un communiqué publié lundi 1er avril
2013, le président politique du M23, Bertrand Bisimwa, a déclaré « qu’il s’agit
de l’option de la guerre que les Nations unies viennent de lever ». Au lieu «
d’encourager une solution politique, en apportant un appui substantiel aux
négociations politiques de Kampala » entre le M23 et Kinshasa, l’ONU choisit «
de faire la guerre contre l’un des partenaires pour la paix », a-t-il regretté.
Cette attitude fait planer l’ombre d’une guerre dans l’Est de la
RDC.
Qu’en sera-t-il alors sur le terrain, maintenant que Kinshasa a, de
manière explicite, déclaré son divorce avec le M23 ? Difficile de répondre pour
l’instant. Toujours est-il que la position tranchée du M23 devait amener
Kinshasa à bien recadrer son action pour éviter tout effet de
surprise.
En digérant très mal le projet de déploiement de la brigade
spéciale d’intervention dans l’Est de la RDC, le M23 a montré ses couleurs. Les
déclarations de son président traduisent sa détermination à résister et surtout
à se défendre. Tout dépendra cependant du temps que prendra le déploiement
effectif dans l’Est du pays de la brigade spéciale d’intervention. C’est le seul
moyen d’empêcher le M23 d’agiter de nouveau le spectre de la guerre dans l’Est
de la RDC – les Forces armées de la RDC ayant montré leurs limites à venir à
bout du M23. Les Nations unies devraient faire diligence dans l’application de
la Résolution 2098.
Dans tous les cas, le souhait de Kinshasa de voir le
M23 « cesser d’exister » ne devrait pas résoudre le problème. Il doit aller
jusqu’au bout de sa logique. Après l’accord du 23 mars 2009 à Goma, le CNDP
s’est mué en une formation politique sans pour autant se détacher de ses racines
militaires. Cette situation a donné naissance, trois ans plus tard, soit en
2012, au M23. C’est que la disparition du M23 n’est pas une panacée. L’idéal est
de couper le cordon ombilical qui lie tous les groupes armés avec des parrains
clairement identifiés dans le rapport du groupe d’experts des Nations unies, en
l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda. Tant que ces deux voisins de la RDC auront
une mainmise sur les groupes armés qui pullulent dans l’Est du Congo, le M23
pourrait réapparaitre sans une nouvelle formule et se retrouver dans les
institutions de la République, par le moyen des concertations nationales,
appelées de tous les vœux par Kinshasa et recommandées par la Résolution
2098.
De quoi dire que rien n’est encore joué définitivement.
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