(Le Potentiel 04/04/2013)
De nombreux accords de paix, tous pilotés par la communauté
internationale, ne font que s’accumuler dans le kaléidoscope de la RDC. De
l’accord de Lusaka (1999), jusqu’au dernier en date signé le 24 février 2013 à
Addis-Abeba, l’ex-colonie belge peine à sortir du bourbier de l’insécurité dans
sa partie orientale. La RDC se trouve prise dans un piège sans fin qui, au
finish, tend à consacrer sa disparition dans les frontières héritées de la
colonisation. En clair, c’est le schéma de la balkanisation. Aussi le Congo
est-il toujours dans l’œil du cyclone.
Une remontée dans le temps
s’impose pour comprendre les tenants et les aboutissements de la crise
congolaise.
Le conflit qui a éclaté en RDC en août 1998 a suscité des
réactions, des tentatives de médiation et de résolution dans lesquelles se sont
impliqués des acteurs de tous bords. Tantôt lancées par les pays de la région,
tantôt menées dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique
australe (SADC), de l'Union africaine, ou des Nations unies, ces différentes
initiatives se sont entrecroisées. Pas toujours avec bonheur pour l’ex-colonie
belge qui s’embourbe dans un marasme inextricable près de quarante ans après son
indépendance.
Une première tentative d’envergure est menée le 10 juillet
1999 à Lusaka, capitale de la Zambie. Un accord dit de cessez-le-feu est signé
par six chefs d'Etat et des représentants de la communauté internationale.
Quelques protagonistes, notamment le RCD, soutenu par Kigali et déchiré par des
crises internes et le MLC, appuyé par Kampala, le signeront plus tard.
Il faudra donc attendre la fin du mois août 1999 pour que l’accord de
cessez-le-feu soit officiellement signé par toutes les parties, posant ainsi les
jalons du Dialogue inter congolais, bouclé en 2002 à Sun City (Afrique en Sud)
par la signature d’un Accord global et inclusif.
L’accord de Sun City
ouvrira la voie à une transition de trois ans, sous une architecture
institutionnelle bâtie sur la formule « 1+4 ». Le mécanisme de suivi de l’accord
de Sun City sera assuré par un Comité international d'accompagnement de la
transition (CIAT), conformément aux dispositions de l'annexe IV de l'Accord
global et inclusif. Le CIAT est composé de cinq pays membres permanents du
Conseil de sécurité, de la Belgique, du Canada, de l'Afrique du Sud, de
l'Angola, du Gabon, de la Zambie, de l'Union européenne, de l'Union africaine et
de la MONUC. Son rôle était de garantir la mise en œuvre de l'Accord global et
inclusif et de soutenir le programme de la transition en RDC.
L’histoire
se répète
Passé la période de transition politique, les premières
élections dites démocratiques sont organisées en 2006, avec son lot de ratés que
l’on a vite fait de minimiser à l’époque. Une deuxième expérience électorale est
vécue en 2011, sans que l’on arrive à se départir des tares de 2006. L’on crie à
la fraude électorale et à la tricherie.
A peine la tempête électorale se
calmait que, toujours de l’Est du pays, une nouvelle aventure guerrière se
déclare. On est en avril 2012. Elle est signée M23, un groupe armé qui se
réclame héritier de l’accord de paix signé le 23 mars 2009 à Goma (Nord-Kivu)
entre le gouvernement et le CNDP, un de principaux groupes rebelles dont les
éléments ont été intégrés dans les Forces armées de la RDC (FARDC). Le mouvement
part d’une mutinerie avant de se muer en rébellion soutenue de manière claire
par le régime de Kigali qui lui fournit armes, munitions et hommes de troupes.
Fort de ce soutien, le M23 progresse rapidement assiège Goma avant de
l’envahir le 20 novembre 2012. Ce fut un affront fait à Kinshasa et à la
communauté internationale qui, par le biais de la Monusco, n’a pas pu empêcher
le M23 d’investir une ville présentée quelques jours auparavant comme un site de
tous les enjeux dont on devait empêcher la chute.
L’opprobre était telle
que la diplomatie a joué à plein régime pour que l’affront soit vite lavé. C’est
à cela que les pays de la CIRGL vont parvenir à Kampala en obligeant le M23 à se
retirer de la ville de Goma deux jours après l’avoir occupée. Les mêmes
tractations de la CIRGL vont ouvrir la voie aux pourparlers entre Kinshasa et le
M23. Et Kampala se chargera de la médiation.
Dans la foulée, s’invitent
des rapports des experts des Nations unies qui accusent Kigali et Kampala d’être
les parrains du M23, avec preuves à l’appui. Du coup, la situation sécuritaire
en RDC préoccupe à nouveau toute la communauté internationale. Pendant que
Kinshasa négociait à Kampala avec le M23, une autre initiative, pilotée par les
Nations unies, se met en place à Addis-Abeba, siège de l’Union africaine. Le 24
février 2013 l’accord-cadre est signé par 11 pays de la région (CIRGL, SADC,
CEEAC), le secrétaire général de l'ONU et la présidente de la Commission
africaine.
Cet Accord-cadre d’Addis-Abeba est censé baliser les voies
pour un retour de la paix durable au Congo. Pour en garantir la mise en œuvre,
il est prévu un « mécanisme 11+4 en soutien aux efforts régionaux en cours (...)
et un plan détaillé pour la mise en œuvre de l'accord (qui) sera développé
conjointement, y compris l'établissement des critères et mesures de suivi
appropriées ».
C’est ici que les observateurs constatent que l’histoire
tend à se répéter. Immédiatement après la signature des accords de Lusaka, le
Conseil de sécurité des Nations unies avait adopté l’envoi en RDC d’une force de
maintien de la paix. Théoriquement, les tâches dévolues à cette force étaient
immenses : maintien de la paix (chapitre 6 de la Charte ONU) et rétablissement
de la paix (chapitre 7).
Seulement voilà. Plus de douze ans plus tard,
la RDC n’a tiré aucun bénéfice de la présence des Casques bleus : ni maintien ni
rétablissement de la paix. Les groupes armés, nationaux et étrangers, pullulent
dans l’Est de la RDC et s’adonnent à cœur joie aux exactions les plus ignobles.
La Monuc, transformée depuis en Monusco, se contentant de faire la comptabilité
macabre.
Le piège
Bis repitita. L’accord-cadre d’Addis-Abeba a
adopté le même modus operandi que celui de Lusaka. Il a prévu le déploiement
d’une brigade spéciale d’intervention chargée de traquer et neutraliser tous les
groupes armés répertoriés comme forces négatives. Au nombre desquelles figure le
M23. En lieu et place du CIAT, on a adopté le mécanisme 11+4. Dans la foulée,
l’accord-cadre d’Addis-Abeba recommande un dialogue national sans
exclusive.
En superposant les deux accords, il ressort que la RDC serait
sous tutelle de la communauté internationale. Le Congo est mis dans une
situation telle qu’il lui est difficile de s’affranchir du piège lui tendu par
les grandes puissances économiques et politiques. Ce schéma procéderait d’une
logique devait aboutir à la balkanisation de ce géant au cœur de l’Afrique et
dont les richesses naturelles sont convoitées par tous.
Dans un article
publié sur son blog sous le titre « Un nouvel horizon s’ouvre-t-il à la RDC
après l’accord-cadre pour la paix signé à Addis-Abeba ? », Kâ Mana, présente les
limites de l’accord-cadre d’Addis-Abeba en ces termes : « Il manque avant tout
au texte de l’accord-cadre une vraie foi en la paix. Le langage adopté, les
méthodes proposées, les perspectives ouvertes présupposent toujours l’usage de
la force militaire et de la violence des gouvernements pour contraindre ceux qui
refuseraient d’obéir à se soumettre.
Les peuples ne sont ni évoqués dans
leur capacité d’être des bâtisseurs de paix, ni invoqués comme pouvoirs
créateurs de paix par des initiatives de l’intelligence, de la culture et des
actions économico-financières ».
Kâ Mana, philosophe congolais et
président de Pole Institute, estime que l’accord-cadre d’Addis-Abeba porte, dans
une certaine mesure, les germes de son échec.
Allant dans le même sens,
Bob Kabamba, politologue et professeur à l’Université de Liège, va droit au but
et relève que l’accord-cadre d’Addis-Abeba consacre la mise sous tutelle de la
RDC : « La démarche définie dans l’accord (d’Addis-Abeba), n’est pas sans
rappeler la résolution 1565 du Conseil de sécurité qui mandatait l’ONU à
accompagner la RDC dans le processus de fin de transition politique. Elle a
contribué à l’organisation des élections, à la réforme du secteur de sécurité et
l’installation des institutions politiques de la troisième République. Cette
résolution plaçait de fait, la RDC sous tutelle. (…)
En 2013, la démarche
proposée restreint une partie de la souveraineté nationale de la RDC. Les
engagements pris seront supervisés par un comité de suivi régional dont font
partie des pays apportant un soutien militaire au M23, source d’insécurité et
responsable de plusieurs exactions contre les populations civiles dans la
province du Nord-Kivu ».
Dans sa conclusion, Bob Kabamba indique que « il
est important de rappeler les Accords de Lusaka signés en 1999 entre tous les
belligérants de la première guerre congolaise, Sun City en 2002 mettant en place
une transition politique, la Conférence de Goma en 2009 mettant fin à la
rébellion du CNDP, l’accord de Pretoria (retrait des troupes rwandaises de la
RDC), de Luanda (retrait des troupes ougandaises de la RDC) dont les résolutions
qui restent encore d’actualité, n’ont jamais été complètement
appliqués.
De nombreux autres accords ont déjà été passés ces dernières
années, sans permettre de ramener une paix durable dans le Kivu, qui suscite
toujours les convoitises en raison des richesses minières qu’elle recèle
».
Ce qu’il faudra retenir c’est que les intérêts de la RDC n’ont jamais
été pris en compte par toutes ces initiatives de la communauté internationale.
Dans une intervention le 11 février 2013 devant le think tank américain- The
Brookings Institution- Johnnie Carson, sous-secrétaire d’Etat américain aux
affaires africaines, a formellement décliné le schéma américain pour une paix
durable dans l’Est de la RDC : « La seule manière de procéder consiste à adopter
une solution subtile bénéficiant de l’appui de la communauté internationale ».
Selon lui, la solution-miracle à mettre en œuvre en RDC est celle que les
Nations unies ont expérimentée en Yougoslavie et au Soudan.
De Lusaka à
Addis-Abeba, la RDC reste toujours dans l’œil du cyclone. Dans le fond, c’est sa
balkanisation qui est visée.
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Potentiel
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