Plusieurs fois reportée, l’effectivité de la fibre optique en RDC se fait toujours attendre. Pendant ce temps, la maffia qui évolue à l’ombre en a profité pour faire un montage visant à empêcher l’Etat congolais de tirer les dividendes qui lui reviennent de droit.
Le fond du problème, c’est que tout est mis en place pour exclure de la gestion de la fibre optique le seul opérateur public dans le secteur des télécommunications, à savoir la Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT, ex-OCPT).
La première tentative est partie de la création de « Congo-Câble », entreprise initiée sous Jeannine Mabunda, alors ministre du Portefeuille. Pour n’avoir pas réussi à réunir l’unanimité des parties concernées, cette initiative a fini comme un projet mort-né. Récidivistes et tenaces, les fossoyeurs de la SCTP sont revenus à la charge en embarquant dans leur aventure la Banque mondiale (BM). Cette fois, ils ont lancé l’idée de la création d’une société, dénommée « Congo Singa ».
La nouvelle entreprise, bâtie sur le modèle d’un partenariat public-privé (PPP), aura la charge de « financer, construire, opérer le réseau haut débit en fibre optique et d’allouer et commercialiser les capacités aux usagers autorisés ».
Le message électronique de l’expert
Sur papier, tout serait déjà ficelé. La mise en marche de Congo Singa ne serait donc plus qu’une question de temps. Après la réunion technique qui s’est tenue dans les locaux du Copirep à Kinshasa le 30 janvier 2013 ; réunion au cours de laquelle le consultant de la Banque mondiale a fait part aux représentants des opérateurs et fournisseurs de services privés de télécoms en RDC (Intercom, Microcom, Orangen, Vodacom, Oasis-Tigo, Airtel) de la mise en place d’une structure de PPP pour la construction, la gestion et la maintenance d’une infrastructure de fibre optique en RDC, toutes les parties impliquées se sont donné jusqu’au 14 mars pour débattre du projet de mémorandum d’entente (MoU) créant Congo Singa.
Selon le message électronique du consultant de la BM transmis à toutes les parties associées à la réunion du 30 janvier 2013, dont Le Potentiel s’est procuré une copie, « le respect de la première étape (conclusion et signature du MoU) permettra de mettre concrètement en œuvre les principes à respecter pour être éligible à un financement dans le cadre du programme Central African Backbone (Cab), à savoir PPP et Accès ouvert au réseau ».
Là où le bat blesse c’est lorsque, à cette phase de préparation de la création de Congo Singa, la SCPT, réputée opérateur public dans les télécoms, ne se trouve pas associée aux discussions pilotées par la BM. Le consultant de cette dernière ne fait nulle part mention de la SCPT dans son message électronique. Que dire ? Dans l’entendement de la BM, la SCPT n’existe plus, ou n’existerait que de nom.
Or, depuis le lancement du projet de connexion de la RDC à la fibre optique, la SCPT a été associée presqu’à tous les niveaux. Aujourd’hui que le projet tend à se matérialiser, la BM propose au gouvernement la création d’un PPP où l’Etat congolais est obligé de s’associer aux privés dans la gestion de la fibre optique. De qui se moque-t-on ?
Dans ses motivations, le consultant est rattrapé par des contradictions. Pour justifier la mise à l’écart de la SCPT, il évoque la taille de la RDC : « Du fait de la taille continentale du pays (Ndlr : RDC), il est irréaliste de penser qu’un seul opérateur ou groupe d’opérateurs pourra assurer le déploiement de différentes possibilités d’infrastructures de transport haut débit susceptibles d’être déployées ». Il poursuit en soulignant que « tenant compte de la volonté affichée des opérateurs privés (particulièrement à travers de la Fédération des entreprises du Congo – FEC), et du gouvernement en matière de PPP, la Banque mondiale invite les autorités à s’engager et à maintenir un dialogue avec l’ensemble des opérateurs congolais pour s’accorder sur une option de PPP adaptée au contexte spécifique national ainsi que sur une stratégie de déploiement pour le raccordement du reste du pays à la capacité internationale ».
Le montage compromettant de la BM
Embarquée par les opérateurs et fournisseurs des services de télécoms, la BM propose un montage qui a tout l’air d’une compromission. Les intérêts de l’Etat congolais ne sont pas protégés. « En matière de PPP, propose son consultant, il pourrait être proposé aux acteurs de considérer les principes suivants:
- A l’instar des routes, des aéroports internationaux, des ports maritimes et des fréquences radioélectriques, le Backbone national fera partie du domaine public de l’Etat.
Par conséquent et conformément aux lois et règlements en la matière, il sera inaliénable et imprescriptible.
- Le développement du Backbone national pourrait ainsi se faire avec l’aide des opérateurs privés avec qui l’Etat conclurait des contrats de concession BOT (Build Operate Transfer). Le rôle de l’Etat consisterait à planifier le projet et à mettre en place les différents partenariats chargés de la réalisation et de l’exploitation des infrastructures.
- Sur la base des entretiens réalisés au cours de la mission, la faisabilité d’une approche du type « consortium terrestre » pourrait également être évaluée de manière plus précise, l’ensemble des opérateurs congolais formant une société commune pour construire, exploiter et commercialiser une infrastructure fibre optique totalement mutualisée.
- Les tronçons susceptibles d’être en partie financés dans le cadre d’un éventuel projet CAB, n’étant qu’une portion de ce Backbone national global, seraient concédés par l’Etat à une structure de portage pour exploitation, gestion et maintenance contre paiement d’une redevance annuelle.
- La structure de portage PPP sera une société d’économie mixte qui aura pour mission la gestion et l’exploitation de tout ou partie du Backbone national, c’est-à-dire les tronçons mentionnés ci-dessous voire toute extension à venir.
- Le capital de la société sera obtenu par l’Etat en minorité et des sociétés à capital majoritaire congolaise et les opérateurs privés (au moins 51%) ».
Ça sent l’arnaque
Ce qui est curieux, c’est que la BM reconnaît à Congo Singa ce qu’elle reproche à la SCPT. C’est notamment lorsqu’elle affirme que la RDC est trop vaste pour être confiée à un seul opérateur. Pourtant, c’est ce qu’elle attribue librement à Congo Singa, une société dans laquelle l’Etat congolais sera minoritaire à côté d’un groupe d’opérateurs privés qui en détiendraient au moins 51% d’actions.
Le projet Congo Singa est une forme éloquente de contrats léonins qu’on a toujours dénoncés en RDC. Pour les mêmes raisons qui ont milité en faveur de l’abandon du projet de création de Congo Câble, la RDC va-t-elle céder au chantage de la BM et autres intrigants ? Si pour le consultant, le projet Central African Backbone a fait preuve en RCA, au Congo/Brazzaville ou au Tchad, il n’est pas évident qu’il en sera le cas en RDC. Tout simplement parce qu’on ne peut pas superposer ces trois pays sur la RDC et trouver une commune mesure.
Le projet de création de Congo Singa en substitution à la SCPT n’est pas une solution économiquement rationnelle. Ce serait juste déshabiller Saint Paul pour habiller Saint Pierre.
Par ailleurs, quel tabou empêche de relancer la SCPT et en faire une entreprise moderne et compétitive ? Le gouvernement ferait mieux d’agir en toute lucidité dans ce dossier tout en se gardant de tuer la poule aux œufs d’or qu’est le secteur des télécommunications dont les potentialités en forte croissance, sont supérieures à celles du secteur minier.
Congo Singa sent l’arnaque à mille lieues.
[Le Potentiel]
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