par Jonny Hogg
GOMA, République démocratique du Congo (Reuters) - Les rebelles du M23 qui ont pris le contrôle de la ville de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), ont annoncé mercredi qu'ils allaient "libérer" tout le pays en marchant sur la capitale, Kinshasa, à 1.600 km à l'ouest.
"Le voyage pour libérer le Congo débute maintenant (...) Nous allons aller à Bukavu puis à Kinshasa. Etes-vous prêts à vous joindre à nous ?", a lancé Vianney Kazarama, porte-parole du M23, au millier de personnes massées dans un stade de Goma.
Quelques heures plus tard, les rebelles entraient dans la ville de Sake, à 25 km à l'ouest de Goma le long de la berge du lac Kivu. Comme à Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu, à la frontière du Rwanda, Sake avait été abandonnée par les forces gouvernementales congolaises et la ville est tombée sans combat.
Le M23, qui tient son nom des accords de paix du 23 mars 2009 prévoyant l'intégration des rebelles dans l'armée, a pris les armes en avril dernier, accusant le président de la RDC, Joseph Kabila, de ne pas avoir respecté les termes de ce pacte.
Le Conseil de sécurité de l'Onu a voté à l'unanimité une résolution condamnant la prise de Goma et l'Ouganda entrepris une médiation régionale avec les présidents de RDC et du Rwanda, Joseph Kabila et Paul Kagame, qui se sont vus à Kampala.
La rébellion du M23 a aggravé les tensions entre les deux pays voisins : Kinshasa accuse Kigali de soutenir les rebelles et d'orchestrer l'insurrection dans l'est du pays pour s'emparer des riches ressources minérales de la région, ce que Kigali nie.
Après un premier entretien de deux heures mardi soir à Kampala en présence du chef de l'Etat ougandais, Yoweri Museveni, Kabila et Kagame se sont revus mercredi.
Dans un communiqué, le président congolais dit avoir accepté d'examiner les revendications des rebelles. "Nous avons un processus en cours sur l'évaluation des troubles", a-t-il dit à la presse à Kampala. "Nous avons reçu un rapport sommaire ce qui a été fait et c'est sur cette base que toute initiative, tout contact sera mené entre le gouvernement et le M23."
Mais une déclaration cosignée par Kabila, Kagame et Museveni exige également des rebelles qu'ils mettent un terme à leur offensive et se retirent de Goma.
SOUTIENS EXTÉRIEURS
Réunis parallèlement à Kampala, les ministres des Affaires étrangères de neuf pays de l'Afrique des Grands lacs (Congo, Rwanda, Ouganda, Burundi, Tanzanie, Kenya, Soudan, République du Congo-Brazzaville et Zambie) ont appelé le conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine à relancer le déploiement d'une force internationale pour combattre les rebelles. Le principe de cette force a été adopté l'été dernier, mais les divergences sur sa composition en ont bloqué la mise en oeuvre.
A New York, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté à l'unanimité mardi soir une résolution proposée par la France qui condamne la prise de la grande ville du Nord-Kivu.
Les quinze membres du Conseil, qui envisagent de nouvelles sanctions contre les dirigeants du M23, "demandent le retrait immédiat du M23 de Goma, l'arrêt de toute nouvelle avancée du M23, et que l'ensemble de ses membres se dispersent et rendent les armes de façon immédiate et permanente".
Ils expriment leur "profonde inquiétude face aux informations indiquant qu'un soutien extérieur continue d'être apporté au M23, y compris par des renforts de troupes, des conseils tactiques et la livraison d'équipements, accroissant significativement les capacités militaires du M23".
La résolution 2076 ne cite cependant pas le gouvernement rwandais. Un groupe d'experts de l'Onu a recommandé la semaine dernière de mettre en oeuvre des sanctions contre le ministre rwandais de la Défense, James Kabarebe.
En 1996, le Rwanda avait soutenu la rébellion lancée de cette même région du Kivu par Laurent-Désiré Kabila, le père de l'actuel président, qui avait mis à bas le régime de Mobutu Sese Seko à la tête de l'ex-Zaïre.
IMPUISSANCE DES CASQUES BLEUS
Le calme est revenu mercredi à Goma où des centaines de rebelles sont entrés sans combattre mardi après le retrait des forces gouvernementales congolaises.
La Monusco, la mission de l'Onu de stabilisation du Congo qui compte environ 6.700 casques bleus dans le Nord-Kivu dont 1.500 à Goma, a renoncé à défendre la ville après le départ des troupes gouvernementales.
"Il faut réaliser qu'il y avait 7.000 troupes congolaises et qu'elles se sont malheureusement évaporées dans la nature. Imaginez la situation dans laquelle sont les 1.500 casques bleus, avec une ville de près d'un million d'habitants", a déclaré sur RFI Hervé Ladsous, responsable des opérations de maintien de la paix aux Nations unies.
"La Monusco protège les civils. Le métier de la Monusco, ce n'est pas de casser du M23. Ce n'est pas son mandat", a-t-il ajouté, insistant : "Notre mission n'est pas d'entrer en conflit frontal avec tel ou tel groupe armé. Elle est d'appuyer les forces armées congolaises - il faut encore que les forces armées congolaises soient présentes sur la scène."
Pour le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, "fixer un mandat qui ne permet pas d'intervenir (...) est absurde". A New York, l'ambassadeur de France auprès de l'Onu, Gérard Araud, a déclaré que la France était prête à discuter d'un "mandat plus robuste" pour les casques bleus.
Dans un compte rendu des opérations diffusé mercredi, l'Onu explique comment les casques bleus de la Monusco ont tenté vainement d'enrayer la progression des rebelles.
Au total, les hélicoptères de la mission ont effectué 17 sorties et tiré un demi-millier de roquettes et quatre missiles pour défendre la ville.
Le 15 novembre, poursuit l'Onu, les forces congolaises appuyées par les moyens aériens de la Monusco ont mis en échec une première offensive à laquelle participaient un demi-millier de rebelles, dont 64 ont été tués. Mais deux jours plus tard, les combattants du M23 étaient de retour, en bien plus grand nombre (l'Onu parle de 3.000 combattants).
"Face à cette nouvelle offensive qui disposait d'une surprenante puissance de feu, les forces congolaises étaient décidées à défendre leurs positions mais se sont retirées (...) en dépit de leur appui aérien et du nôtre", poursuit l'Onu.
Avec Elias Biryabarema à Kampala, Richard Lough à Nairobi, David Lewis à Dakar et Michelle Nichols à New York, Julien Dury et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Gilles Trequesser
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