Il n'y a guère que sur les banderoles déployées dans les rues de Kinshasa depuis le Sommet de la francophonie du mois d'octobre que l'on peut voir le président de la République démocratique du Congo (RDC) affichant, sous sa fine moustache, un grand sourire commercial. Dans un pays secoué à ses confins orientaux par une rébellion tenace, qui a humilié l'armée régulière, le temps n'est sûrement pas à la rigolade. Mais, qu'il soit grave ou rieur, le visage du président Kabila est de toute façon absent de la scène publique. Malgré la gravité d'une crise dont il peut craindre de sortir durablement affaibli.
Depuis l'apparition, en avril, du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe de militaires mutins dominé par des Tutsi congolais et fortement appuyé par le Rwanda voisin, le président jurait qu'il ne négocierait jamais avec ces hommes issus – déjà – d'une précédente rébellion et dont l'échec de leur intégration dans l'armée loyaliste (les FARDC) a provoqué les dernières violences. "On ne discute pas avec des bandits", répétait l'entourage du président. Samedi 24 novembre, dans la capitale ougandaise Kampala, Joseph Kabila a pourtant dû s'asseoir à la même table qu'eux et "avaler son chapeau, sa chemise et ses bottes", selon l'expression d'un diplomate étranger.
Le Monde.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article habituellement réservé aux abonnés du Monde.fr. Profitez de tous les articles réservés du Monde.fr en vous abonnant à partir de 1€ / mois | Découvrez l'édition abonnés Il faut dire que les nouvelles du terrain n'étaient pas bonnes. Quatre jours auparavant, Goma, la capitale du Nord-Kivu, était tombée entre les mains du M23. L'armée congolaise ainsi que les casques bleus de la Monusco chargés de l'appuyer se faisaient ridiculiser par cette offensive éclair, qui mettait fin à plusieurs semaines de statu quo durant lesquelles le M23 semblait contenu dans une petite poche de territoire gonflant jusqu'à une vingtaine de kilomètres au nord de Goma.
Une fois la poche percée, Joseph Kabila n'a guère eu le choix. D'autant que les chefs d'Etats de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL, organisation régionale), réunis d'urgence à Kampala, adoptaient une déclaration – signée par Kinshasa – imposant, notamment, au gouvernement congolais d'"écouter, d'évaluer et de résoudre les revendications légitimes du M23". Le principe des négociations avec les "bandits" était ainsi entériné. Ce qui ne signifie pas qu'elles commenceront demain. Le M23 demande que les discussions précèdent leur retrait de Goma. Kinshasa pose le départ des rebelles en préalable à tout dialogue.
Mais quel que soit l'avenir de l'accord de Kampala, il est perçu comme une défaite pour le président. "Cette déclaration légitime l'action du M23. Il dédouane aussi l'Ouganda et le Rwanda en présentant cette crise comme une affaire intérieure à la RDC", critique Arsène Mwaka, député d'opposition originaire du Nord-Kivu. Pas un mot, en effet, de la CIRGL sur les soutiens politique, financier, logistique et humain fournis au M23 par Kampala et Kigali (la capitale du Rwanda), mis en lumière par un rapport des Nations unies. "Ils jouent aux faiseurs de paix mais ils soutiennent la RDC comme la corde soutient le pendu", s'étrangle un opposant.
Car "l'accord de Kampala" illustre l'isolement du régime congolais. "Qui veut lui faire confiance dans la région ? Il les a trop roulés, analyse un diplomate européen. Et sur la scène internationale, il ne peut plus guère compter que sur la France." A New York, Paris compense la passivité diplomatique congolaise en tenant la plume pour les résolutions au Conseil de sécurité dénonçant l'"agression extérieure" dont la RDC est victime.
Pendant ce temps, à Kinshasa, l'opposition espère que la crise dans l'Est emportera ce président mal réélu en novembre 2011 à l'issue d'un scrutin qui avait tout du chaos organisé. "On repère la route de Goma ! Les téléphones chauffent entre la capitale du Nord-Kivu et Kinshasa", lâche un politicien engagé dans ces tractations.
Dans le même temps, le M23 politise son discours. Les anciens soldats mutins tutsi du Kivu prétendent aujourd'hui se battre "pour la bonne gouvernance" à la tête de l'Etat et demandent le départ de Joseph Kabila. Mais la ficelle est grosse. Et si l'opposition "démocratique", bien que morcelée, partage cet objectif, son opportunisme a des limites. Le M23, dont certains chefs sont recherchés par la justice internationale, a en effet menacé de marcher sur Bukavu, Kisangani et Kinshasa. Ce serait la réédition de l'offensive rouge sang de 1997 qui avait porté au pouvoir Laurent-Désiré Kabila, avant que son assassinat, quatre ans plus tard, n'ouvre la voie au "règne" de son jeune fils Joseph.
Sauf que pour le moment, la menace du M23 n'est guère réaliste au regard de ses forces – environ 3 000 hommes – et de la distance à parcourir, 1 600 kilomètres au coeur d'une nature hostile.
Bien sûr, l'opposition ne veut pas rater le train du M23 si celui-ci se mettait en marche. Mais il n'y a pas que l'épaisseur des forêts ou les marécages des rives du Congo qui la font réfléchir. " Comment défendre les valeurs démocratiques et s'appuyer sur un mouvement armé pour faire passer ses revendications ? Il faut arrêter le cycle des guerres", plaide M. Mwaka.
Pas sûr non plus que les pays voisins aient envie de voir s'enflammer l'immense RDC. Une guerre civile pourrait réveiller des rébellions mal éteintes, ruiner leurs ambitions prédatrices sur le sous-sol congolais ou de les submerger sous des flots de réfugiés. "Le Rwanda, l'Ouganda, l'Afrique du Sud ou l'Angola n'aiment pas Kabila mais ce sont peut-être ses meilleurs alliés : au chaos, ils préfèrent un président faible qui leur sera redevable de sa survie", lâche un expert de la Monusco.
Quant à la rue, le combat quotidien pour la survie la prive des forces nécessaires pour contester le pouvoir. Le président est impopulaire et affaibli mais musclé par ses services de sécurité. Comme un boxeur, Kabila est compté debout. Pas encore KO.
© Le Monde.fr
Une fois la poche percée, Joseph Kabila n'a guère eu le choix. D'autant que les chefs d'Etats de la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL, organisation régionale), réunis d'urgence à Kampala, adoptaient une déclaration – signée par Kinshasa – imposant, notamment, au gouvernement congolais d'"écouter, d'évaluer et de résoudre les revendications légitimes du M23". Le principe des négociations avec les "bandits" était ainsi entériné. Ce qui ne signifie pas qu'elles commenceront demain. Le M23 demande que les discussions précèdent leur retrait de Goma. Kinshasa pose le départ des rebelles en préalable à tout dialogue.
Mais quel que soit l'avenir de l'accord de Kampala, il est perçu comme une défaite pour le président. "Cette déclaration légitime l'action du M23. Il dédouane aussi l'Ouganda et le Rwanda en présentant cette crise comme une affaire intérieure à la RDC", critique Arsène Mwaka, député d'opposition originaire du Nord-Kivu. Pas un mot, en effet, de la CIRGL sur les soutiens politique, financier, logistique et humain fournis au M23 par Kampala et Kigali (la capitale du Rwanda), mis en lumière par un rapport des Nations unies. "Ils jouent aux faiseurs de paix mais ils soutiennent la RDC comme la corde soutient le pendu", s'étrangle un opposant.
Car "l'accord de Kampala" illustre l'isolement du régime congolais. "Qui veut lui faire confiance dans la région ? Il les a trop roulés, analyse un diplomate européen. Et sur la scène internationale, il ne peut plus guère compter que sur la France." A New York, Paris compense la passivité diplomatique congolaise en tenant la plume pour les résolutions au Conseil de sécurité dénonçant l'"agression extérieure" dont la RDC est victime.
Pendant ce temps, à Kinshasa, l'opposition espère que la crise dans l'Est emportera ce président mal réélu en novembre 2011 à l'issue d'un scrutin qui avait tout du chaos organisé. "On repère la route de Goma ! Les téléphones chauffent entre la capitale du Nord-Kivu et Kinshasa", lâche un politicien engagé dans ces tractations.
Dans le même temps, le M23 politise son discours. Les anciens soldats mutins tutsi du Kivu prétendent aujourd'hui se battre "pour la bonne gouvernance" à la tête de l'Etat et demandent le départ de Joseph Kabila. Mais la ficelle est grosse. Et si l'opposition "démocratique", bien que morcelée, partage cet objectif, son opportunisme a des limites. Le M23, dont certains chefs sont recherchés par la justice internationale, a en effet menacé de marcher sur Bukavu, Kisangani et Kinshasa. Ce serait la réédition de l'offensive rouge sang de 1997 qui avait porté au pouvoir Laurent-Désiré Kabila, avant que son assassinat, quatre ans plus tard, n'ouvre la voie au "règne" de son jeune fils Joseph.
Sauf que pour le moment, la menace du M23 n'est guère réaliste au regard de ses forces – environ 3 000 hommes – et de la distance à parcourir, 1 600 kilomètres au coeur d'une nature hostile.
Bien sûr, l'opposition ne veut pas rater le train du M23 si celui-ci se mettait en marche. Mais il n'y a pas que l'épaisseur des forêts ou les marécages des rives du Congo qui la font réfléchir. " Comment défendre les valeurs démocratiques et s'appuyer sur un mouvement armé pour faire passer ses revendications ? Il faut arrêter le cycle des guerres", plaide M. Mwaka.
Pas sûr non plus que les pays voisins aient envie de voir s'enflammer l'immense RDC. Une guerre civile pourrait réveiller des rébellions mal éteintes, ruiner leurs ambitions prédatrices sur le sous-sol congolais ou de les submerger sous des flots de réfugiés. "Le Rwanda, l'Ouganda, l'Afrique du Sud ou l'Angola n'aiment pas Kabila mais ce sont peut-être ses meilleurs alliés : au chaos, ils préfèrent un président faible qui leur sera redevable de sa survie", lâche un expert de la Monusco.
Quant à la rue, le combat quotidien pour la survie la prive des forces nécessaires pour contester le pouvoir. Le président est impopulaire et affaibli mais musclé par ses services de sécurité. Comme un boxeur, Kabila est compté debout. Pas encore KO.
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