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mercredi 13 mai 2015

RDC : L’Opposition doit éviter de faire le lit de « Joseph KABILA »

Jean de Dieu NGUZ A KARL-I-BOND

En politique, lorsqu’il y a une crise, il faut toujours chercher un moyen pour la résorber. Si, aujourd’hui, le dialogue devient une nécessité, c’est simplement parce que les Concertations nationales n’avaient pas été bien organisées. Car, au lieu d’inclure les partis ayant opignon sur rue dans les rangs de l’Opposition, des forces actuellement incontournables avaient été sacrifiées sur l’autel de certains intérêts. S’il est vrai que le MLC, deuxième force politique de l’Opposition, était au rendez-vous, il est aussi vrai que l’UDPS, première force, ainsi que l’UNC, troisième force, n’avaient pas du tout pris part au dialogue. Résultat : là où il était possible de résorber la crise politique, elle s’est plutôt empirée au point de justifier la tenue du dialogue aujourd’hui.
Jean de Dieu Nguz a Karl-i-Bond. Voilà un nom que les Congolais n’oublieront pas de sitôt. Car, l’ancien président national de l’UFERI aura vécu une vie politique pleine de la deuxième République à la transition dirigée par le maréchal Mobutu. Nguz a été, durant sa longue carrière, plusieurs fois ambassadeur de la RDC à l’étranger, ministre des Affaires étrangères et de la Défense, vice-Premier ministre et Premier ministre. De plus, durant la transition mobutienne, il fut le seul acteur politique à avoir dirigé la grande Opposition et la famille politique du Maréchal Mobutu. On se souviendra de son livre "Mobutu le mal zaïrois " paru à Bruxelles, en Belgique, où il s’était exilé durant la deuxième République. C’est cette personnalité qui s’invite au débat autour du dia logue qui pointe à l’horizon.

Il y a un dialogue politique qui pointe à l’horizon en RDC, pensez-vous que cela soit encore nécessaire au moment où l’on s’approche des élections et surtout après les Concertations nationales ?

En politique, lorsqu’il y a une crise, il faut toujours chercher un moyen pour la résorber. Si, aujourd’hui, le dialogue devient une nécessité, c’est simplement parce que les Concertations nationales n’avaient pas été bien organisées. Car, au lieu d’inclure les partis ayant opignon sur rue dans les rangs de l’Opposition, des forces actuellement incontournables avaient été sacrifiées sur l’autel de certains intérêts. S’il est vrai que le MLC, deuxième force politique de l’Opposition, était au rendez-vous, il est aussi vrai que l’UDPS, première force, ainsi que l’UNC, troisième force, n’avaient pas du tout pris part au dialogue. Résultat : là où il était possible de résorber la crise politique, elle s’est plutôt empirée au point de justifier la tenue du dialogue aujourd’hui.

Mais, pourquoi un dialogue à l’approche des élections ? 

C’est justement pour permettre aux uns et aux autres d’aller aux élections dans un climat apaisé. L’Opposition pose des préalables avant la tenue du scrutin. Il faut en tenir compte. Tout comme pour le calendrier électoral et le budget même des élections, parce que rien n’indique que la RDC trouvera facilement le montant exigé, soit plus d’un milliard USD. Faut-il privilégier simplement les élections provinciales, législatives et présidentielle ? C’est autant de questions dont il faut discuter pour des scrutins apaisés. Car, la Majorité présidentielle n’a aucun intérêt à aller seule aux élections qui ne seront jamais jugées crédibles, libres et transparentes comme on le souhaiterait. Surtout au moment où, constitutionnellement parlant, le président de la République ne peut briguer un troisième mandat. Je crois que c’est tout cela qui doit faire l’objet des discussions au dialogue tant réclamé.

Ne craignez-vous pas que ce dialogue accouche d’une nouvelle transition et consacre, par ce fait, le glissement tant redouté ?

C’est de bonne guerre en politique. Car, si le chef de l’Etat compte rester encore quelques années au pouvoir, là où la Constitution de la République l’interdit, il ne lui reste, logiquement, que le dialogue afin de gagner le pari avec la bénédiction de l’Opposition. Surtout si les choses se passent comme à l’époque de Mobutu avec l’appât d’une Primature revenant à l’Opposition. Car, si jamais cela était le cas, les opposants risqueront de mordre à l’hameçon en optant pour une transition qui permettra à Joseph Kabila de gagner du temps comme l’avait fait le Maréchal Mobutu. D’ailleurs, rappelez-vous qu’à l’époque, c’est-à-dire en 1990, la transition était prévue pour seulement un an, soit jusqu’en 1991. Mais, elle a finalement pris sept ans avec l’appât de la Primature et on a, en fin de compte, connu huit Premiers ministres au nom du principe " personne n’ayant gagné les élections, partageons le pouvoir ". Je crois qu’avec le dialogue qui s’annone, l’Opposition doit éviter de faire le lit de Kabila. Sinon, elle portera seule la responsabilité du glissement qu’elle a attribué à Joseph Kabila et à la Majorité présidentielle. Dès lors, l’Opposition sera discréditée à l’extérieur comme à l’époque de Mobutu. Comme le disait quelqu’un autrefois, lorsqu’on est à table avec le diable, il faut avoir une longue fourchette pour éviter de se faire avoir aussi facilement.

Croyez-vous, vous qui aviez pris part à toutes les négociations sous la transition de Mobutu, que la tenue effective du dialogue permette de mettre fin à la crise ?

Mettre fin à la crise politique, je ne le pense pas. C’est pourquoi, je parle de résorber la crise. C’est-à-dire obtenir une accalmie pendant un bon bout de temps. Pour le cas d’espèce, cela peut aider à aller aux élections dans un climat apaisé. Car, apparemment, le règlement d’une crise en Afrique, réunit très souvent les conditions d’une nouvelle crise avec tous les déçus ou lésés du dialogue. A la seule différence qu’à l’époque de Mobutu, on n’avait pas eu l’occasion d’aller réellement aux élections. Mais, aujourd’hui, le pays est en plein processus électoral après les deux législatures enregistrées. L’accalmie qu’aurait apportée le dialogue pourra utilement être mise à profit pour entamer une troisième législature. L’Opposition doit savoir ce qu’elle veut pour ne pas se retrouver un jour le dindon de la farce. Puisque vous l’avez évoqué, autrefois, lorsque je conduisais la délégation de l’Opposition ou de la famille politique de Mobutu, je cherchais d’abord à savoir ce qu’il fallait gagner avant de m’embarquer dans les négociations. L’Opposition doit d’abord savoir déterminer ses intérêts et être capable de les défendre jusqu’au bout pour ne pas rater le coche.

Selon vous, qu’est-ce que l’Opposition devrait surtout viser lors du dialogue ?

Si je faisais partie de l’Opposition actuelle, ce que je viserai en ce moment, c’est la modification du calendrier électoral pour ne retenir que les élections provinciales, législatives et présidentielle. De la sorte, les élections locales, municipales et urbaines devront être renvoyées à l’après 2016. En plus de cela, je ne viserai pas la Primature et donc pas une nouvelle transition afin d’éviter de cautionner le glissement. Car, dans le cadre de la recherche du glissement, la seule carte politique qui reste à la Majorité présidentielle, après l’échec de la révision constitutionnelle et de la révision tendancieuse de la loi électorale, c’est bel et bien le dialogue. Si cette astuce n’était pas du tout nécessaire, Joseph Kabila n’aurait jamais pris des initiatives pour consulter les forces politiques de l’Opposition. L’Opposition doit donc se préparer sérieusement pour ne défendre que l’essentiel au dialogue.

Autre chose à ajouter ?

C’est seulement d’inviter la Majorité et l’Opposition à éviter au pays une nouvelle catastrophe. Il est temps de permettre au peuple congolais de continuer à rêver d’un avenir meilleur. Surtout qu’au terme du processus électoral, le peuple choisit aujourd’hui les dirigeants qu’il veut. On doit aussi éviter d’enregistrer beaucoup d’irrégularités lors des élections. Il faut, pour cela, bien tirer des leçons des élections de 2006 et 2011, afin de réaliser en 2016 des scrutins réellement crédibles, c’est-à-dire celles qui rassurent afin de consolider la stabilité de la RDC. Tout cela est bien possible si les uns et les autres le veulent.
[M. M.]

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