Elle va porter plainte cette semaine contre une petite dizaine d’entreprises françaises.
L’accusation est grave. Elle est portée par l’ONG britannique Global Witness, dans un rapport rendu public mercredi 3 juin. L’industrie du bois en France serait gravement affectée par l’importation de bois précieux de la République démocratique du Congo (RDC).
LA FRANCE POINTÉE DU DOIGT
« La France est le premier pays après la Chine à importer du bois depuis la RDC, souligne Alexandra Pradal, la responsable de ce rapport. À elle seule, elle capte 12 % du volume total exporté par la RDC. Or, ce bois est exploité bien trop souvent de manière illégale. »
Des essences précieuses comme l’iroko, le sapele, le sipo. Des bois au grain noir ou brun utilisés pour des produits de luxe, pour des planchers et des salons de jardins haut de gamme, pour les finitions de décoration des navires…
Ces essences sont parmi les plus anciennes du monde. On ne les trouve que dans la forêt primaire comme celle du bassin du Congo, la plus grande après l’Amazonie. « 60 % de la forêt du bassin du Congo se trouve sur le territoire de la RDC, constate Alexandra Pradal. Or, l’État est défaillant dans ce pays touché par la mal gouvernance, la corruption, la pauvreté. La moitié des sociétés qui exploitent le bois en RDC en profitent pour le faire sans respecter les réglementations. »
UNE RÉGLEMENTATION DÉFAILLANTE OU BAFOUÉE
Spécialisée dans la lutte contre le pillage des ressources naturelles dans les pays en développement, Global Witness dénonce des contrats d’exploitation trafiqués, le dépassement des quotas de coupe autorisés, l’exportation d’essences protégées, le non-respect des droits des communautés locales et de la législation du travail pour les salariés.
Parmi les exploitants forestiers qui font l’objet des accusations de l’ONG britannique, les deux plus importantes exploitations forestières de la RDC, qui assurent à elles seules la moitié des exportations de bois du pays.« Elles exploitent certaines forêts sans permis, dans d’autres, elles le font dans des quantités qui dépassent les volumes autorisés, font le commerce d’essences non autorisées et sous-paient les redevances qu’elles doivent à l’État congolais », explique Alexandra Pradal.
Pire, ces deux entreprises seraient complices de mauvais traitements infligés à des populations locales.« Elles agissent avec le concours de la police locale à qui elles fournissent du matériel comme des véhicules. Ces deux entreprises sont congolaises mais elles appartiennent à des Européens », précise-t-elle.
DES PLAINTES EN PERSPECTIVE
Cette semaine, l’ONG va porter plainte en France contre un peu moins d’une dizaine d’entreprises hexagonales qui importent du bois de RDC. « Elles le font en dépit de la réglementation française et européenne sur le bois. Elles vont devoir s’expliquer », assure Alexandra Pradal. Et de s’étonner de la passivité du ministère de l’environnement en France, qui viendrait seulement de lancer une enquête sur le sujet.
Il y a un peu moins de 80 ans, André Gide dénonçait déjà dans son livreVoyage au Congo (1927), l’attitude scandaleuse des compagnies forestières dans le bassin du Congo : ses vols, ses mensonges, ses violences sur les populations locales, ses entorses graves aux réglementations et aux lois.
À l’époque, le livre fit scandale. Quatre-vingts ans après, les sociétés ont changé, les propriétaires et l’arsenal juridique aussi. Mais, à écouter Global Witness, pas complètement les pratiques et les trafics.
LA LÉGISLATION EUROPÉENNE SUR LE BOIS ILLÉGAL
L’Union européenne a adopté en 2003 un plan d’action (FLEGT) pour lutter contre l’exploitation abusive des forêts et le commerce du « bois illégal » c’est-à-dire du bois récolté, transformé ou commercialisé en violation des lois du pays où il est exploité.
Ce plan prévoit de développer une offre de bois garanti légal, via la signature d’accords de partenariat avec les pays producteurs et d’éliminer le bois illégal ou ses produits dérivés sur le marché européen.Le règlement sur le bois de l’Union européenne (RBUE) entré en application en mars 2013 impose un principe de « diligence raisonnée » aux opérateurs qui peuvent être sanctionnés s’ils n’ont pas pris toutes les mesures pour réduire le risque d’importer du bois illégal.En France, le ministère de l’agriculture est l’autorité compétente en charge de sa mise en œuvre.
LAURENT LARCHERla-croix.com
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